132 ~ Ilashan

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Pendant un instant, Ilashan se demande ce que Sylath fait là, s'il a quelque chose à lui dire ou si le vampire veut juste voir s'il a bien retrouvé le chemin de la chambre. Aussi, il est plus que surpris de le voir refermer la porte derrière lui, pour venir s'installer à ses côtés.

Mais il ne s'éloigne pas pour autant. Il est trop bien, étalé sur le tapis moelleux, réchauffé par les flammes. Il n'a ni l'envie ni la force de bouger d'un poil. C'est à peine s'il remue son épaule pour laisser de la place à Sylath, en grognant de contrariété. Il en profite pour se frotter le visage, comme si cela pouvait suffire à chasser la brume qui lui encombre la tête.

— Si. Mais j'ai trop bu pour culbuter qui que ce soit.

Malheureusement. Ou heureusement ? Il ne sait pas vraiment et n'a pas envie de réfléchir à cela pour l'instant.

Il laisse Sylath lui voler sa bouteille en poussant un très léger grondement d'acceptation.

C'est étrange d'être là, comme ça, juste à côté de lui. Ilashan sait qu'il devrait se sentir furieux, ou en colère, ou effrayé, ou bien tout cela à la fois. N'importe quelle émotion, mais pas ce vide étrange au creux de son ventre. Comme s'il flottait sur un nuage sur lequel rien ne pourrait l'atteindre, pas même la présence menaçante d'une créature suceuse de sang.

La question du vampire lui arrache un soupir. Les yeux rivés sur le plafond, il pose les mains sur son ventre. La réponse est évidente. Il la connaissait déjà avant même de partir pour le village de Heurtevent.

— Retourner dans le sud, et passer l'été au bord de la mer. Je me roulerai dans le sable chaud tous les jours. Et quand je serai devenu aussi rouge qu'un homard cuit, je repartirai chercher du travail.

Dans le Nord, peut-être, s'il n'est pas écœuré de la neige d'ici là. Il ne pourra pas rester dans le sud. Pas longtemps, en tout cas.

À cette pensée, son envie de boire se réveille. Son regard se pose sur la bouteille de liqueur qui gît entre eux, abandonnée par le vampire. Il hésite, puis la reprend du bout des doigts pour en avaler une gorgée. Le goulot n'a pas le goût du sang qu'il craignait d'y trouver. Juste le parfum de l'alcool et des plantes.

— Ça vous manque pas, le soleil ? Vous êtes aussi blanc que de la neige. Et presque aussi froid.

Il se rappelle encore très bien de la sensation de ses doigts frais sur sa peau. Chaque fois qu'il l'a touché, le corps de Sylath était gelé. Et même les flammes de la cheminée n'arrivent pas à réveiller les reflets cuivrés qu'il a déjà vu sur le visage placide du vampire.

Ilashan se redresse en se frottant la nuque, restant immobile quelques secondes, avant de fixer  d'un air pensif les bottes de Sylath au fond du tapis. Il lui faut quelques secondes pour commencer à retirer ses propres chaussures, avec des gestes plus ou moins coordonnés.

Et s'immobiliser en pleine action, les sourcils froncés. Il vient de réaliser quelque chose, qui éclaire toute la situation sous un nouvel angle.

— C'est pas ma chambre.

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant