L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

94 ~ Ilashan

Il ne s'attendait pas à ce que Sylath se vexe, mais son rire aussi sincère que franc le surprend tout autant. Une sensation étrange au creux du ventre, Ilashan hausse les épaules et range le reste de ses affaires, ignorant les visiteurs jusqu'à leur départ. D'autres questions lui sont venues en tête, mais les mots de Sylath les éclipsent tout à coup, et lui font vivement redresser le menton, pour fixer la pièce dorée.

Une lame enchantée.

Son coeur fait un bond dans sa poitrine. Il peut aisément croire que de telles épées soient cachées dans un endroit pareil ; ce serait un prodige bien moindre comparé à ce qu'il a déjà vu en quelques jours. Une épée dont rêvent même les rois...

Ou bien rien du tout, hormis l'amertume d'un rêve envolé, et l'humiliation cuisante de centaine de paire d'yeux braquées sur lui alors qu'il s'abaisse à renier tous ses principes.

— Vous n'avez plus peur que je gâche la cérémonie ? Le Veilleur n'est pas mon dieu. Je ne vais pas risquer de renier le mien pour m'assurer la bienveillance d'un autre.

Même s'il n'a jamais été très porté sur la foi et que pour lui, elle tient surtout de la superstition. Surtout si loin dans le nord, où le soleil est si pâle.

Il se demande s'il pourrait assumer une telle chose, si jamais il réussissait vraiment à rentrer chez lui. Avoir honoré un autre dieu, envoûté par le simple appât du gain, de la plus vile et matérielle des façons.

— En quoi ça consiste exactement, cette cérémonie ?

Y assister est une chose. En être le principal acteur... cela change tout.

Son regard est plissé, posé sur la pièce tendue, trahissant son intérêt pour la lame et son hésitation. Mais il jauge le risque. Les jeux de hasard ne l'ont jamais vraiment tenté - pas quand il est sobre, en tout cas. Et la probabilité d'en retirer un avantage lui parait bien trop incertaine.

Plus que tout enfin, il se demande ce qui motive Sylath à lui proposer un tel pari. Il ne l'aurait jamais pensé si... si joueur. Surtout pour un acte religieux important.

— Parce que j'ai l'impression que j'ai bien plus à perdre que vous, dans tous les cas.