L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

36 ~ Ilashan

— Ce n'est pas parce que vous m'avez sauvé la vie qu'elle vous appartient désormais. Votre geste n'était pas altruiste. Si l'asservissement est le seul sort que vous me réservez, alors je ne vous dois rien.

Ilashan aurait pu se sentir redevable si les intentions de son hôte avaient vraiment été pieuses. Mais il ne s'agissait que de l'acculer dans un piège dont il ne pourrait pas sortir. Il ne voit aucune différence entre la mort et l'esclavage, lui qui a toujours décidé de sa propre vie depuis qu'il est en âge de le faire.

Il ne cherche pas à rattraper le prêtre, mais ne rechigne pas non plus à prendre la couverture qu'il lui a laissé.

Quand la faim devient trop tenace, Ila se résout à faire un tour aux cuisines. Il n'y trouve quasiment personne, à sa plus grande surprise. Il a l'impression qu'à la nuit tombée, les lieux étaient bien plus animés. Un esclave lui permet de remplir un bol de soupe, mais c'est bien tout ce qu'Ilashan parvient à lui arracher. Pas un mot ni un regard superflu.

C'est bien la première fois qu'il rencontre du personnel de cuisine aussi dévoué à sa tâche et aussi peu disposé à lui rapporter des commérages.

Le point positif, c'est qu'il n'a pas eu besoin de donner de sa personne pour obtenir à manger, même si la soupe ne lui a jamais beaucoup rempli l'estomac. Cela lui permet de repartir dans les couloirs déserts pour étoffer le plan griffonné par Sylath, et compléter sa propre conception mentale des lieux. Ce n'est pas d'une grande utilité, mais cela a le mérite de lui donner un but immédiat sur lequel se concentrer, plutôt que de céder à la colère et agir stupidement. Comme, par exemple, en faisant irruption dans la chambre de Sylath pour lui refaire le portrait, à la façon subtile et délicate du mercenaire rustre qu'il est.

Ilashan se fige en plein milieu du couloir vide. Cette idée lui parait tout à coup bien moins stupide qu'elle ne le semblait un instant plus tôt. Ou bien est-ce la frustration qui lui fait perdre la mesure des choses ?

Toujours est-il que, sans attendre, il tourne les talons en direction de la chambre du prêtre.