L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

155 ~ Sylath

Il était prévisible qu'Ilashan ne serait pas amusé par le sens de son surnom, mais devant l'expression presque vexée sur son visage et la hargne dont il fait preuve, Sylath ne peut retenir un éclat de rire. Un vrai et sincère, comme il n'en a pas souvent.

— Ne sois pas en colère. Je sais que tu n'es pas une petite chose fragile qui a besoin qu'on lui tienne la main et qu'on lui dise quoi faire. Je suis quelqu'un d'autoritaire, alors ce n'est peut-être pas évident, mais je t'admire vraiment. Tu as un courage et une détermination rares. Tu affrontes chaque épreuve avec la tête froide et une bravoure qui force le respect.

Ilashan a toujours l'air outré mais il demeure silencieux, et finalement, ne lui demande pas de cesser de l'appeler « Ila ».

Puis le mercenaire justifie sa propension à tenir l'alcool et il s'assombrit un peu, comme toujours quand il parle de son passé. La question qui suit fait à nouveau rire l'immortel, plus doucement, avec le plaisir de la complicité partagée.

— Je ne crois pas que mon métabolisme puisse souffrir d'impuissance, le plaisir de boire à la gorge d'un humain est beaucoup trop puissant. La morsure est plutôt un stimulant, l'alcool n'a pas le pouvoir de changer ça. Quant à la migraine, je pourrais supporter un mal de tête et un état de confusion un peu désagréable, contre quelques heures d'ivresse. J'ai l'esprit clair depuis quatre siècles... S'il n'y avait pas les humains à protéger et le Veilleur pour me guider, je serais devenu fou il y a très longtemps.

Sylath réalise qu'il n'a jamais dit cela à voix haute. Les Anciens ne parlent pas de cela entre eux, il y a une sorte de pudeur sur la manière dont chacun d'eux gère l'immortalité. Et cela lui a fait du bien de le dire à quelqu'un.

Si proche du feu et du corps d'Ilashan qu'il frôle parfois par mégarde sous la couverture, Sylath sent sa propre peau se réchauffer doucement.

— Et si on dormait un peu ? propose-t-il. Le soleil se lève.