L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

124 ~ Ilashan

           

Une grande inspiration soulève la poitrine d'Ilashan.

C'est fini. Enfin. Il va pouvoir porter ce maudit manteau, et retourner dans l'anonymat, loin de tous ces regards braqués sur lui. Il n'a jamais aimé être ainsi au centre de l'attention, et c'est peut-être cela qui a rendu la tâche si difficile, alors que son esprit commençait à être en paix avec le Veilleur et sa propre religion.

Le manteau est somptueux, vu de près. Lourd et chaud, il couvre ses épaules en l'enveloppant aussitôt de sa chaleur. De sa protection face à tous ces yeux inconnus posés sur son corps nu. Ilashan se demande un court instant si ce n'est pas juste cela, la protection du Veilleur.

Et puis la voix profonde de Sylath remplace le silence pénétrant qui a empli la chapelle.

Les mots du vampire provoquent en lui un trouble qu'il n'aurait pas imaginé ressentir. Est-ce parce que ses nerfs sont à vif après cette longue traversée ?

Nul ennemi. Nulle solitude. Ce serait tellement agréable. Mais il n'y a que la mort qui pourrait lui apporter cette certitude. La mort, ou bien une vie recluse dans cette forteresse loin de tout, mais pour lui, cela revient sensiblement au même.

Pourtant, dans la bouche de Sylath, tout cela parait possible. Tellement qu'Ilashan a le sentiment que c'est à lui que ces mots sont adressés, à lui plus qu'à tous les autres, avec une sincérité et une volonté déconcertante. Comme si le vampire souhaitait plus que tout lui offrir cette protection miraculeuse promise par son dieu.

C'est un regard troublé qu'Ilashan repose sur Sylath. Autour d'eux, il a l'impression que la salle exulte, mais il ne s'en rend pas compte, plongé dans les prunelles bleues face aux siennes. Il s'était demandé quelle expression aurait le vampire pendant cette cérémonie, mais ce qu'il voit dépasse de loin toutes ses suppositions. Il ne s'attendait pas à lire une telle émotion sur son visage glacé. Ni qu'elle remuerait autant de choses en lui.

Ses doigts sont froids contre sa joue, mais ses lèvres sont étonnamment tièdes sur son front. Malgré la foule et le bruit, l'instant est aussi intime qu'il est fugace. À la fois surpris et bouleversé par le geste, Ilashan fixe Sylath sans comprendre. Est-ce que cela fait partie de la cérémonie ? Il n'en a pas l'impression, et son hésitation doit se lire dans son regard.

Il réussit pourtant à se recomposer une expression aussi neutre que possible, sans trop savoir comment. Au moins pour pouvoir assurer le reste de la célébration, jusqu'à pouvoir enfin se dérober aux regards.