L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

50 ~ Ilashan

Ilashan ne peut plus nier l'angoisse sourde qui monte en lui, à mesure qu'il comprend la nature de Sylath et de ses semblables.

Vampires. Ces spectres du nord dont parlaient les anciens. Juste devant lui, terreur ambulante incarnée en chair et en os. Le tenant à sa merci, sous son emprise, sans la moindre possibilité de fuite.

La peur, cependant, est une vieille compagne. Chaque mission, chaque bataille était accompagnée de son ombre ; la peur de mourir, de rentrer estropié, de ne pas savoir ce qui l'attendait le lendemain. Ilashan a appris à l'amadouer, depuis le temps. A la loger au creux de son ventre pour ne pas laisser son esprit sombrer dans la confusion.

— Et ceux qui veulent retrouver leur ancienne vie ? Ceux qui avaient des rêves, des projets, une famille qui leur manque ? Une vie qui ne les obligeait pas à récurer vos sols et laver vos draps, en attendant de se faire saigner comme des brebis?

Une boule enfle dans son ventre, aussi brûlante qu'oppressante, lui faisant oublier la douleur cuisante de son fessier et se redresser encore pour toiser le vampire. Sa respiration s'était apaisée, mais s'emballe de nouveau, sous la pression de la colère qui bouillonne en lui. Comme si chaque coup de fouet n'avait fait que jeter des braises pour alimenter le foyer dormant.

— Mais vous vous en moquez, n'est-ce pas ? Nous ne sommes rien de plus que du bétail. Et ça doit satisfaire le peu d'humanité qu'il vous reste, que quelques-uns de vos esclaves plaisent ici. Tant pis pour les vies que vous brisez, tant que vous, vous êtes satisfait.

C'est sûrement ce qui le fait le plus enrager, et lui redonne toute son ardeur malgré le traitement qu'il vient de subir. La sensation d'impuissance, de se retrouver face à un mur d'incompréhension qu'il ne fera jamais flancher. Ces monstres n'ont que faire d'eux tant qu'ils peuvent les fouetter et les saigner quand bon leur chante. Il sait déjà, en fixant le regard froid de Sylath, qu'il n'y a plus la moindre parcelle de bonté et d'empathie en lui. Que son cœur est sûrement plus gelé que la glace qui piège son domaine, et son cœur plus dur que les murs de la forteresse.