101~ Sylath

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Ilashan accepte sans rechigner et s'il est contrarié de se voir entraîner dans la vie quotidienne d'un lieu qu'il déteste, il n'en montre rien. Sylath l'emmène en direction de la chapelle. Il est tôt et le soleil est à peine couché, mais la Forteresse est déjà pleine d'animation.

La question d'Ila prend le vampire au dépourvu. Il ne s'attendait pas à ce qu'il témoigne de l'intérêt pour la vie qu'ils mènent ici.

— Les esclaves trop vieux ou trop malades pour travailler ou donner leur sang ont un espace de vie dans l'une des ailes du Temple. Ce sont des esclaves plus jeunes qui s'occupent d'eux. Ils sont traités avec égards et avec soins. Nous ne sommes pas ingrats. Quant à ceux qui veulent une famille ils doivent demander une autorisation aux Anciens. Nous l'accordons généralement. Le couple a alors droit à sa propre chambre. Lorsqu'une femme met un enfant au monde, elle est dispensée de donner son sang tout au long de la grossesse et pendant deux ans après la naissance. Nous ne prenons pas non plus de sang aux enfants avant l'âge de dix-neuf ans. Ils grandissent au Temple, reçoivent une éducation et vivent toute leur vie ici.

Ils arrivent dans la chapelle où l'on prépare déjà l'office religieux.

— Mais nous nous trouvons dans la partie de la Forteresse réservée aux fidèles et aux novices, si tu veux je te ferai visiter les quartiers des familles, des personnes âgées, et le lieu où nous soignons les malades.

L'immortel conduit l'humain jusqu'à une place assise, un peu à l'écart pour qu'il ne soit pas gêné d'être entouré de fidèles.

— Assieds-toi là, la cérémonie d'offrande n'est pas longue.

Sylath s'avance vers l'autel et récite les prières adressées au Veilleur. C'est de la vieille poésie, pleine de mots anciens et parfois oubliés, aux accents solennels et graves. Elles disent que l'hiver est un berceau, une bénédiction du Veilleur, où il protège ses enfants de la cruauté des hommes, de l'avidité et de la violence. Puis il fait signe au jeune homme qui a été désigné comme sacrifice de s'avancer. C'est un novice et il a l'air nerveux mais il y a une forme de détermination courageuse dans son regard qui dit qu'il ne s'enfuira pas.

On entonne l'hymne du Veilleur, et Sylath, à voix basse, demande au jeune homme de détourner le regard. Les échos cristallins de l'hymne se répercutent entre les arches, les mots doux et les notes belles et tristes soulèvent comme toujours la poitrine de l'immortel, comme si une vie nouvelle enflait dans son cœur arrêté.

Le jeune homme a obéi et la lame terriblement aiguisée que Sylath a pris soin de lui cacher pour ne pas lui faire peur perce sans mal la peau très fine de son poignet. Le jeune homme n'a qu'un léger sursaut, puis il se détend en réalisant qu'il n'a pas mal.

Le vampire fait tomber quelques gouttes de sang sur l'autel avant de se mordre la langue et de faire rouler une goutte de sang sur la fine blessure qui se referme instantanément. Après un mot de remerciement glissé à son oreille, le jeune homme repart beaucoup plus serein qu'il n'est arrivé. La cérémonie prend fin et Sylath rejoint Ilashan, prêt à recevoir regards noirs et accusations de monstruosité.

Autour d'eux, les fidèles et les novices se sont levés, et les trois novices responsables de la mise en place des décorations commencent à sortir les guirlandes des coffrets tout en expliquant aux autres comment les installer. Le jeune homme qui vient d'offrir quelques gouttes de son sang fait partie de ceux qui aident aux préparatifs.

— Tu viens aider ? dit Sylath à Ila. Va voir Oria et Cyric, les deux fidèles à robes pourpres près de l'Autel, ce sont eux qui redistribuent les tâches.

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant