192 ~ Ilashan

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Quand Ilashan atteint l'extérieur, sans avoir croisé la moindre âme vivante, les derniers rayons du soleil réchauffent la neige et la font luire d'un blanc éclatant.

Tellement qu'il en est d'abord ébloui, et qu'il doit se tenir un temps dans l'ombre de la forteresse, jusqu'à ce que son regard s'habitue. Il a trouvé un accès sur une petite cour dégagée aux pieds de la forteresse, entre les pics rocheux et les innombrables tours. Un peu plus loin, entre deux parois de la montagne, un sentier monte vers un plateau ensoleillé.

Ses pieds s'enfoncent dans un épais manteau de neige et Ilashan inspire l'air à plein poumon. Il fait froid, mais sans vent et une fois en plein soleil, ce n'est plus aussi gênant que cela a déjà pu l'être. À tel point qu'il se surprend à se sentir bien, et s'éloigner de l'ombre massive de la forteresse pour se dégourdir un peu les jambes.

Ilashan prend garde à ne pas commettre d'imprudence, et à vrai dire, ne quitte même pas vraiment les abords du temple du Veilleur. Il ignore où mène ce chemin, comme un sentier creusé dans les falaises, protégé du blizzard et des avalanches. Peut-être vers l'un de ces anciens villages dont lui avait parlé Sylath ? Le vampire était peut-être arrivé par l'une de ces routes, des siècles auparavant.

Mais cela doit faire longtemps que la glace a tout recouvert, et Ilashan ne pousse pas plus loin l'exploration. D'autant plus que la neige rend l'avancée difficile, même s'il est plaisant de devoir fournir un peu d'effort, après tant de jours à ne fouler que du plancher ou de la pierre.

Ilashan fait demi-tour dès que le soleil disparaît derrière les montagnes, ne laissant qu'un ciel rose et bleu qui enflamme les rares nuages. Mais le jour faiblit de plus en plus et bien qu'il ait prévu d'autres épaisseurs de fourrure à enfiler si le froid devenait plus mordant, Ilashan serait rentré se mettre à l'abri dans la forteresse si quelque chose ne l'avait pas retenu.

Une tâche de couleurs éclatante sur le blanc immaculé de la neige. Plusieurs, mêmes, éparpillées tout autour, apparaissant à mesure que les êtres vivants se réveillent à l'intérieur de la Forteresse, allumant autant de flammes que nécessaire pour affronter la nuit et le froid. Derrière tous ces vitraux, toutes ces fenêtres, les bougies et les torches sont autant d'étoiles qui s'illuminent au milieu des montagnes, étendant leurs lumières sur les environs.

Ilashan passe un moment à admirer le spectacle, les yeux écarquillés et la nuque raide à force de lever la tête. Il se serait pourtant lassé assez vite si d'autres lumières ne s'étaient pas allumées. Dans le ciel, cette fois. Achevant définitivement d'éteindre le fil de ses pensées.

Les villageois lui avaient parlé de ces illuminations nocturnes que l'on pouvait parfois apercevoir dans le nord. Comme une aurore en pleine nuit, baignant la nuit d'ondulations de couleur. Mais il n'en avait encore jamais observé de ses propres yeux. Parce qu'il n'était pas encore assez au nord ? Parce qu'il préférait passer ses soirées au chaud et à l'intérieur, plutôt qu'à désespérer de pouvoir à nouveau sortir ?

Troublé, Ilashan finit par s'asseoir sur un rocher pour mieux pouvoir profiter, oubliant le froid qui n'est pas si mordant, et le temps qui file sans qu'il en ait conscience. Tournant le dos à la forteresse, ce n'est qu'en entendant des pas faire crisser la neige derrière lui qu'il reprend brutalement contact avec la réalité.

Pour la première fois depuis des jours, l'espace de quelques heures, il n'a plus pensé à rien, oubliant complètement tout ce qui le tourmentait. Plus de cérémonie ni d'esclaves, de vampires ni d'humains, de nord ou de sud. Sa tête est aussi vierge que la neige au sommet des massifs.

Avec l'air hébété des personnes qui émergent d'un rêve éveillé, Ilashan tourne la tête pour voir la silhouette qui approche dans la pénombre, à peu près convaincu qu'il doit s'agir de Sylath. Le vampire est le seul qui pourrait avoir une raison de venir le chercher.

Pourtant, Ilashan est presque déçu, et peine à s'arracher à la contemplation du ciel. Il n'a envie de rentrer. Pas tout de suite, en tout cas, même s'il commence à réaliser que la nuit est tombée, et que cela doit bien faire deux ou trois heures qu'il est sorti. Mais l'aurore est si belle qu'il a envie de rester encore de longues heures à la regarder.

— Désolé, dit-il simplement à la personne qui approche, conscient que celle-ci vient probablement lui demander ce qu'il fiche encore ici. Je n'ai pas vu le temps passer.

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant