L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

121 ~ Sylath

Boréa sourit quand Sylath lui annonce la participation d'Ilashan.

— Il n'a pas dû être facile de le convaincre, dit-elle.

— Il est impossible de le convaincre, confirme Sylath. Il se convainc tout seul, ou il refuse. Et le plus souvent, il refuse.

La Tempestaire est en train de nouer une ceinture de satin blanc à la taille de l'une de ses deux calices. Les deux humaines portent des robes sublimes dont les dentelles ressemblent à des fleurs de givre.

— Si tu le dressais, il ne te refuserait plus rien, dit-elle simplement. Tu as toujours préféré les humains qui se cèdent sans qu'on les y contraigne, mais ce que tu leur demandes est plus difficile qu'obéir aveuglément à un ordre. Cela demande une autre forme de confiance et de soumission. Puisse le Veilleur soutenir le cœur de ce garçon...

Le Flagelleur ne répond pas. Il sait déjà que ce qu'il demande à Ilashan est très difficile, plus particulièrement en raison du naturel méfiant du mercenaire. Mais il a accepté de participer à la cérémonie, et Sylath songe secrètement, qu'il existe peut-être une chance, une petite, infime, pour qu'Ilashan accepte de rester à la Forteresse au terme des trois mois.

Il règle les derniers détails de la cérémonie avec Boréa, d'autres immortels les rejoignent également après avoir entendu dire que Mérédith était malade. Ils sont tous rentrés la Forteresse, même les éclaireurs et les chasseurs d'humains. Leur communauté compte deux nouveaux esclaves, deux jeunes bergers des montagnes, plus à l'Ouest. Ils ont perdu leur troupeau, dévoré par des loups arctiques affamés, et ont failli être dévorés, eux aussi.

Une fois les derniers préparatifs terminés, Sylath retourne auprès d'Ilashan. Le jeune homme porte le simple peignoir chaud qu'il devra retirer avant de traverser la chapelle. Le vampire lui sourit en le voyant. Il sent immédiatement la tension du mercenaire, il la reconnaît dans sa posture, dans le froncement de ses sourcils et l'éclat très sombre de ses yeux.

— Ce sera très vite terminé, Ila, lui promet-il. Tu verras que cette cérémonie n'a rien d'humiliant, et tu mérites, plus que n'importe qui, la bénédiction que le Veilleur va t'offrir.

Sylath sait que ses mots auront peu d'effet. Tant qu'il sera dans l'attente, rien n'apaisera Ilashan. Alors il se dépêche de se laver et de se vêtir lui-même pour la cérémonie.

— C'est l'heure, finit-il par annoncer.

Mais c'est peut-être un peu superflu : le temple entier résonne de rires et de chants, d'éclats de voix, d'animation. Quand il ouvre la porte du couloir, il y a des novices partout, ils portent des lanternes qui brillent du feu bleu de l'hiver. Les costumes de cérémonie sont sublimes, et surtout très légers. Ils laissent deviner des cuisses et des poitrines sous les dentelles et les voilages, il s'agit de montrer que le froid n'effraye pas les habitants de la Forteresse car le Veilleur protège ses enfants. Seul le costume de cérémonie du vampire, de velours et de pourpre, tranche radicalement avec les légères tuniques blanches.

Suivant le flot d'esclaves, Sylath entraîne Ilashan jusqu'à la chapelle ou Boréa les attend.

— Boréa va rester avec toi, explique Sylath. La cérémonie va commencer avec des chants et des prières, puis quand commencera la cérémonie du manteau, Boréa te fera signe de retirer ton vêtement et de te placer au début de l'allée principale. L'ensemble des fidèles entonneront l'hymne du Veilleur et je t'attendrai devant l'autel pour te recouvrir du manteau du Veilleur. Est-ce que ça va aller ?