L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

152 ~ Ilashan

L'idée que Sylath s'est enivré à travers lui se fraye lentement un passage dans son esprit brumeux, et Ilashan sent son propre trouble augmenter. C'était déjà si bon qu'il n'ose imaginer ce qu'il se produira si le vampire le mord de nouveau. Il préfère fermer les yeux et se frotter le visage pour chasser ces pensées, beaucoup trop néfastes pour son propre bien.

Il sent le canapé bouger lorsque Sylath se redresse. Il rouvre les yeux pour voir le vampire ouvrir une armoire et se tend par réflexe, mais la vue de la fourrure le rassure presque aussitôt. Il fixe d'un œil circonspect la cheminée, puis le tapis. Mais il se rappelle encore de ce sentiment de bien-être qu'il a éprouvé devant les flammes, avant que son hôte ne revienne. Si bien qu'après avoir coupé court à ses dernières hésitations, il se redresse finalement pour le rejoindre.

— Non. Ça va. J'ai assez bu pour ce soir. Et je ne pense pas qu'il reste quelqu'un encore en état de porter quelque chose jusqu'ici.

Ilashan était loin d'être l'humain le plus imbibé, lorsqu'il avait quitté la fête. Et la simple idée de manger encore lui donne la nausée.

Il n'a pourtant aucun mal à rejoindre le tapis, le trouble qui persistait en lui commençant à s'estomper. Il s'enroule aussitôt sous la fourrure, ramenant ses genoux vers lui pour pouvoir s'emmitoufler complètement dans la chaleur de la peau de loup. Il est traversé par la pensée qu'il n'aimerait pas se trouver seul face à une bête aussi énorme. Et sans réfléchir, tend le reste de la peau à Sylath pour qu'il se couvre aussi.

Il ne réalise que trop tard la proximité que cela implique, mais après ce qu'ils viennent de faire, son corps n'est plus vraiment tendu par sa présence. Echappant un soupir, il ferme un instant les paupières pour savourer la chaleur des flammes. Avant de rouvrir les yeux pour fixer Sylath, l'air aussi pensif que contrarié.

Une pensée incongrue vient de lui revenir en tête, aussi soudaine que le craquement des bûches dans la cheminée. Il y a quelque chose qu'il veut lui demander depuis longtemps, et qui le taraude depuis le premier jour qu'il a passé ici.

— Pourquoi est-ce que vous m'appelez Ila ? Personne ne m'appelle plus comme ça depuis des années.

Et pourtant, Sylath l'a surnommé ainsi dès son arrivée dans la forteresse. Il s'en rappelle très bien, malgré la fièvre qui obscurcissait sa conscience à l'époque. Et se souvient encore du frémissement qu'il avait éprouvé à cet instant, et qu'il ressent toujours chaque fois qu'il l'appelle ainsi.