L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

148 ~ Ilashan

Il est encore trop tôt pour savoir ce que cet instant changera entre eux, s'il ne s'agira que d'une occasion saisie à la faveur d'une nuit d'ivresse ou bien du début de quelque chose de plus profond. La question effleure l'esprit d'Ilashan lorsque l'emprise du vampire se referme sur lui. Sans qu'il ne trouve à y redire.

Ce n'est pas l'étreinte possessive d'un maître autoritaire, ni l'embrassade passionnée d'un amant. C'est juste la main froide Sylath, solidement accrochée à sa nuque, la force de son bras passé autour de lui. Il sent la volonté du vampire derrière cette poigne ferme. Il ne veut pas le retenir ou le contraindre, juste l'assurer de ses intentions. Et lentement, Ilashan se détend, alors qu'il devrait au contraire se raidir à mesure que les crocs s'approchent.

Il retrouve la sensation de ses lèvres sur sa peau, la pression des crocs pointus sur sa chair tendre. Mais cette fois, il sent précisément à quel instant la mâchoire du vampire se referme sur sa gorge.

Un tressaillement le traverse, un soupir surpris s'enfuit de ses lèvres entrouvertes. La douleur fugace est presque anecdotique par rapport à ce que son corps a déjà subi durant sa vie.

Ne reste que le tourbillon d'émotions confuses qui s'abat sur lui.

Ilashan a le réflexe de s'accrocher au dos de Sylath, ses doigts tirant sur le tissu de ses vêtements alors qu'il ferme les yeux.

C'est bon. Beaucoup trop bon.

Plus intense qu'un simple baiser, plus intime qu'une caresse. Il ne s'attendait pas à éprouver de telles sensations, pris de court par la sensualité de l'échange. C'est grisant de sentir le vampire presser les lèvres contre sa peau, avaler le sang qui coule de ses veines, en l'étreignant toujours plus fort contre lui.

Un gémissement s'échappe de la gorge d'Ilashan, si inattendu qu'il le surprend lui-même. Sylath vient à peine de le mordre qu'il en a déjà le souffle court et les joues brûlantes.

L'alcool rend tout cela délicieusement confus. Le vampire l'avait averti que ce serait agréable s'il se détendait, mais il n'imaginait pas que ça le serait à ce point. Sobre, il n'aurait certainement pas autant apprécié. Mais il est ivre, et il a l'impression que c'est plus grisant encore de sentir Sylath se nourrir avec tant de douceur au creux de sa gorge.

Ilashan frissonne encore lorsque le vampire se recule. La caresse de ses doigts dans ses cheveux envoie toujours des picotements dans sa nuque. Lui-même n'a pas lâché sa tunique, comme s'il refusait que Sylath l'abandonne à sa propre confusion.

ll reprend peu à peu conscience du monde autour d'eux. De sa respiration qui s'est emballée, de la présence du corps du vampire. Son torse est pressé contre le sien, leurs genoux se touchent déjà depuis un moment. Il y a aussi son bras ferme, passé en travers de son dos. Et puis son visage. Cette expression qu'il n'a encore jamais vue dans son regard intense.

Ilashan doit se forcer à déglutir, déstabilisé par les prunelles bleues de Sylath. Il a le souvenir confus de l'avoir entendu murmurer un remerciement contre son cou, mais la gratitude ne peut pas être la seule cause de son expression.

Il voudrait dire quelque chose, n'importe quoi, mais rien ne lui vient à l'esprit, à part qu'il meurt d'envie de ressentir encore ces sensations grisantes que Sylath vient de lui donner. S'humectant les lèvres, il ose tendre sa main, jusqu'alors posée sur le canapé, pour venir frôler la joue du vampire du dos de ses doigts. Sa respiration vacille un instant.

— Vous êtes encore froid.