91 ~ Sylath

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La question d'Ilashan surprend un peu Sylath.

— Si, reconnaît-il en songeant que sans doute, l'humain voudrait être seul. Je devrais sortir tout à l'heure pour les offrandes de la nuit. Mais ensuite, je règlerai les affaires pour la cérémonie ici. Il y a des choses que je peux faire sans quitter ma chambre. Et je préfère ne pas te laisser seul toute la journée, ton état est réellement préoccupant.

Une esclave entre et apporte un plateau qu'elle donne directement à Ilashan.

— Voulez-vous du sang, monsieur ? demande l'esclave d'une voix douce.

Sylath hésite un instant. Il en a envie. Etre aussi proche d'Ila le plonge dans un état de désir perpétuel. Mais il est assez ancien pour le gérer, et il ne veut pas que l'humain soit obligé d'assister à cela à nouveau, surtout dans son état. Alors il refuse gentiment et renvoie la jeune fille.

— Je te laisse pour une heure, prévient-il Ilashan après s'être assuré qu'il ne manque de rien.

L'offrande de la nuit est un peu délicate, le jeune homme à qui il doit prendre du sang a été capturé récemment et il craint Sylath et la morsure de la lame. Le vampire redouble de fermeté et de douceur jusqu'à ce que le garçon lui remettre docilement son poignet qu'il entaille en lui arrachant un petit cri surpris. Il le soigne de son propre sang après avoir offert le liquide vermeil au Veilleur, et après quelques caresses et mots de réconfort, l'humain s'en va plus léger.

Le vampire retourne jusqu'à sa chambre en se demandant ce qui dans son charme ou dans son autorité ne fonctionne pas sur Ilashan. Quand il revient, il s'assure qu'Ilashan n'a pas de fièvre. Ses doigts s'attardent un peu plus longtemps que nécessaire sur le front de l'humain. Il repousse une mèche de cheveux et son esprit vagabonde jusqu'aux courbes du corps qu'il caressé la veille. Sous sa peau, son sang doit avoir un goût de révolte, tenace, puissant...

Sylath se détourne de cette idée bien trop dangereuse pour son instinct poussé à bout, et il défait les attaches des rideaux du lit à baldaquin pour offrir un peu d'intimité à l'humain. Il dépose un épais peignoir sur lit.

— Si tu te sens assez bien pour te lever, enfile-ça et viens t'assoir près de la cheminée.

Pendant le reste de la nuit, il travaille devant son bureau. Il reçoit plusieurs personnes pour l'organisation de la cérémonie du solstice : trois novices viennent lui montrer les guirlandes de houx, de fleurs d'hiver et de pierres magiques qui orneront la chapelle. Elles ont été réalisées par des novices et sont très réussies. Il leur dessine un plan de la chapelle et des endroits où il veut que les décorations soient placées. Les novices repartent en discutant avec bonne humeur.

Plus tard dans la nuit, Boréa vient lui rendre visite. Elle demande d'abord des nouvelles d'Ilashan, à qui elle propose d'apporter des livres sur le sujet qu'il veut, s'il a besoin de distraction. Puis elle fait entrer quatre fidèles. Ce sont les des volontaires pour la parade du manteau du Veilleur. Au cours de la cérémonie, un humain nu est symboliquement recouvert du manteau du Veilleur, une superbe cape de fourrure noire profonde, ornée de pierres de lune. Le manteau ressemble à un ciel étoilé, protecteur, que l'on place sur les épaules d'un humain ou d'une humaine nue pour imager la bienveillance du Veilleur.

Les quatre humains — deux garçons et deux filles — retirent leur tunique et se déshabillent devant le vampire qui doit faire son choix. Sylath réalise avec surprise que parmi les deux garçons volontaires, le plus jeune est celui à qui il a pris du sang le matin-même. Ses joues ont légèrement rosi mais sa peau est pâle et très fine, si fine qu'en rien de temps, le froid fonce un peu ses lèvres, rappelant au vampire la teinte de celles d'Ilashan, lorsqu'ils sont remontés des galeries.

Il tourne alors son regard vers l'humain dont il devine par avance qu'il doit désapprouver cette cérémonie, et tout ce qu'elle symbolise. Il aurait été parfait pourtant pour la parade du manteau du Veilleur. Ilashan qui n'a pas l'air fragile et qui ne semble pas avoir besoin de protection, même terrifié, même prisonnier, même malade, aurait pourtant mérité le réconfort de cette cérémonie. Plus que quiconque, il mériterait de pouvoir baisser sa garde, même un court instant.

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant