105 ~ Sylath

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Sylath a pendant un court instant le sentiment qu'Ilashan va refuser. Mais quelque chose de vif, de trop violent, de trop avide passe dans son regard. Il choisit l'épée bâtarde et tend la rapière à Sylath. Il n'a même pas demandé quels étaient les pouvoirs des lames, seul le désir de se battre habite ses prunelles.

Le vampire sourit. Il pose sur l'humain un regard de prédateur. C'est un défi, un combat inégal mais qu'il engage quand même.

Sylath pose les yeux sur la rapière qu'Ilashan lui tend mais il ne la prend pas. On ne combat à la rapière contre une épée bâtarde, sauf à vouloir frapper d'estoc et le vampire ne veut pas faire perler une seule goutte de sang qui trahirait encore le profond désir qu'il a pour le mercenaire. Il se contente de faire glisser ses doigts sur le cimeterre qui épouse sa main comme s'il y avait été forgé. Ses mouvements deviennent ceux d'un grand félin, il connaît cette danse, il la danse depuis des siècles. Ce genre de sabre courbé demande de la fluidité, de la finesse, beaucoup plus de flexibilité que de rigueur, et cela convient bien mieux au style de combat de Sylath. Tout comme sans doute, la bâtarde, arme plus lourde, faite pour briser l'acier et les os, correspond au tempérament obstiné d'Ilashan.

Sylath se ramasse sur lui-même, prêt à bondir, et pare sans mal l'attaque franche de l'humain. Il n'a pas envie de le vaincre en un instant, à la place il fait durer le combat, il laisse des ouvertures qu'il referme à la dernière seconde, il accule l'humain, le piège, puis le libère, joue encore avec lui. Son cimeterre tournoie, il feinte, crée des failles, frappe, et bien souvent, rencontre la lame d'Ilashan. Le vampire est bien loin d'être sérieux, mais Ila est très doué pour un humain.

Puis le vampire s'impatiente, le plaisir du combat réveille la bête au fond de son ventre. Il feinte un taillé, et quand Ilashan lève l'épée pour protéger sa gorge, Sylath abaisse la sienne et le frappe à la jambe du plat de la lame. Le coup suffit à déséquilibrer l'humain et Sylath le fait basculer en avançant sur lui. Il crochète son pied et presse son corps contre celui d'Ilashan qu'il serre contre lui le temps de le mettre au sol sans le blesser.

Le cœur de l'humain bat vite. Sylath se trouve au-dessus de lui. Avec l'effort, son odeur remplit l'air, son cœur est lancé au triple-galop, une veine pulse à sa gorge, et soudain Sylath perd pied. Quand il réalise ce qu'il vient de faire, il a désarmé Ilashan, l'a fait chuter au sol sans le lâcher pour qu'il ne se blesse pas, et il le tient fermement dans ses bras dans une étreinte incroyablement intime. Ses crocs sont pressés sur la gorge d'Ilashan, juste à l'endroit où le pouls pulse comme le chant lancinant d'une sirène.

Cela ne dure qu'une longue seconde, une seconde où il parvient miraculeusement à résister. Il éloigne finalement ses crocs, relâche le mercenaire, et s'éloigne de son corps tendu. Il passe une main un peu tremblante dans ses propres cheveux et ramasse les épées sans rien dire, hormis la bâtarde qu'il laisse à l'humain. Il a peut-être effrayé Ilashan mais c'est surtout à lui-même qu'il vient de faire peur. Dans un Temple où les esclaves tendent docilement la gorge, il n'avait jamais été confronté à ce que son instinct a d'implacable. A présent il songe à mettre de la distance entre l'humain et lui, et il faut qu'il boive du sang.

— Je retourne dans notre chambre, tu peux faire ce que tu veux jusqu'à l'aube, dit-il d'une voix plus dure qu'il l'aurait voulu.

Mais sa mâchoire douloureusement serrée par la soif ne l'aide pas à avoir l'air décontracté.

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant