L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

80 ~ Ilashan

Vulnérable. Ce mot le hante. Ilashan a pourtant conscience de l'être. Maintenant plus que jamais. Ce n'est pourtant pas un sentiment qu'il est habitué à ressentir, et c'est d'ailleurs loin d'être agréable.

"Quatre autres humains sont retournés sur leurs pas."

Il se sent troublé par cet aveu, entre incertitude et soulagement. Cela ne lui apporte en effet qu'un piètre réconfort, mais toute miette est bonne à prendre, dans son état d'abattement. Il n'a même pas la force de s'éloigner de Sylath ou de repousser son bras. Il ne peut que subir, renfrogné, obligé d'accepter une action qu'il ne pourrait définitivement pas réaliser lui-même.

Vulnérable.

La voix implacable de Sylath le tourmente, même dans les silences du vampire, quand ce dernier ne tente pas de lui démontrer sa générosité et son altruisme. Ilashan voudrait lui répondre, mais même son sarcasme reste bloqué dans sa gorge.

Comme un enfant dont il faut prendre soin, il reste mutique et immobile tandis que le vampire glisse ses doigts dans ses cheveux, au travers d'une serviette. S'il n'avait pas si froid, Ilashan l'aurait sèchement repoussé. Mais il ne peut que grelotter, sans savoir s'il frissonne de froid ou bien à cause des gestes de Sylath sur son cuir chevelu, ne bronchant même pas quand la porte s'ouvre.

L'esclave a porté une épaisse couverture avec le repas. Ilashan s'enroule dedans, forçant momentanément Sylath à retirer ses mains. Il tire le plateau devant lui, attrapant un bol de soupe qui lui brûle les doigts autant que la gorge. Il a l'impression de se réchauffer peu à peu, même si le froid est accroché à sa peau.

Vulnérable.

Sylath n'a pas fini sa phrase, tout à l'heure. Mais l'esclave est parti, et Ilashan abaisse momentanément les bras, le souffle court. Pour lever vers le vampire un regard farouche.

— Comment ça pourrait être si quoi ? Si je me donnais à vous, et que je devenais votre esclave ? Qu'est-ce que vous voulez me prendre de plus ?

Il a l'impression qu'il a déjà bien trop laissé de sa dignité et de son amour propre dans cette Forteresse. De sa santé. De son libre arbitre. Il y a même laissé son épée.

Ce n'était pas une escapade dangereuse, par rapport à ce qu'il a déjà dû faire dans sa vie de mercenaire. Pourtant, il aurait pu mourir, là-bas en dessous. Et le voila de nouveau dépendant des bons soins du vampire, pour sa plus grande frustration.

Il sait que Sylath le convoite, et il a bien compris de quelle manière il le voulait. Ses sous-entendus et ses regards appuyés ont été assez explicites, sans parler de la punition, de sa façon de parler des esclaves et de leur dressage.

Ce n'est pas seulement son sang que Sylath désire. Il veut de lui une chose qu'Ilashan n'acceptera jamais de lui donner. Mais que le vampire finira par obtenir quand même, quand il se sera lassé d'essayer de le convaincre par la patience et la douceur. Ilashan en est persuadé. Il n'est qu'une proie en sursis entre les griffes de cet homme qui ne fait que jouer avec lui.