L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

188 ~ Ilashan

Tandis que Sylath se lève en lui exposant son point de vue, Ilashan garde le silence quelques secondes. Il se retient de lancer au vampire que cela doit faire longtemps qu'il n'a pas mis les pieds sur les terres humaines. Le seigneur de Hauteforge n'a pas pris le risque de sacrifier ses propres soldats pour les envoyer à la recherche des villageois disparus. Alors se lancer dans une croisade contre les spectres du nord, en ne se basant que sur les dires d'un mystérieux survivant ?

Toutefois, il ne sait que trop bien qu'il ne faut pas sous-estimer la réaction des hommes face à une menace qui les terrifie. Alors il préfère s'abstenir d'argumenter sur ce sujet-là.

— Je ne pense pas que des novices m'accompagneront.

Ilashan en a de plus en plus conscience, à mesure qu'il passe du temps avec eux. Il n'a pas encore croisé de captif réfractaire, mais il est de plus en plus convaincu que même ceux-là y réfléchiront à deux fois avant de quitter le confort et la sécurité matérielle de la forteresse. Pour ceux qui n'ont connu que la vie rude et cruelle sur les terres du nord, quelques jours d'hiver passés le ventre plein doivent suffire à convaincre les esprits les plus rétifs.

À moins que ces humains-là ne soient retenus quelque part dans la forteresse, pour être torturés jusqu'à ce qu'ils courbent l'échine ? Sylath avait brandi cette menace, peu après son arrivée ici. Ilashan ne l'a pas oublié.

— Et moi, je n'irai pas au château. Je passerai par les villages pour regagner le sud.

Excepté à Heurtevent, où il avait passé quelques jours, il doutait que les gens du nord ne se rappellent de son visage. Après toutes ces journées passées à veiller dans son lit pour observer le soleil, il a largement eu le temps d'imaginer ce qu'il fera si jamais il sort d'ici.

On le croit mort. Du moins, dans le nord. Réapparaître devant le seigneur de Hauteforge serait prendre un risque inutile.

Mais si pour les gens du coin, sa disparition est un fait, pour ceux des régions alentours, elle ne sera qu'une rumeur, de plus en plus alternée par les colportages. Peut-être même que chez lui, loin dans le sud, on le penserait dévoré par une meute de loups géants ou emporté par un spectre maléfique.

Ce serait un avantage. L'assurance de quelques semaines, voire quelques mois, qu'il pourrait passer en toute sérénité, sans craindre sans arrêt pour ses arrières. Avant que les rumeurs de sa réapparition n'atteignent les mauvaises oreilles et qu'il ne doive à nouveau repartir loin de chez lui.

Il n'émet pas d'objection quand Sylath se rassoit près de lui, et se saisit du parchemin par son autre extrémité, prenant garde à ne pas frôler le corps du vampire. Le souvenir de la sensation de ses doigts froids dans ses cheveux est encore bien trop vif. Et bien trop perturbant.

Si Ilashan a éprouvé un instant de malaise en l'entendant parler de mettre la liste des noms à jours, il se détend bien vite en entendant ce qu'il lui demande. Puis acquiesce d'un signe de tête.

Compter, c'est dans ses cordes. Il n'y a qu'à égrener les noms sur le parchemin, et il s'attelle à la tâche en silence pour donner rapidement le résultat à Sylath.

Même si, comme le vampire ne lui a parlé que d'hommes, Ilashan n'a aucun moyen de savoir qu'il y a aussi des noms de femme sur sa liste.