L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

154 ~ Ilashan

Ilashan songe vaguement qu'il a décidemment bien trop bu et que le contrecoup de toutes les émotions subies aujourd'hui ne fait vraiment pas bon ménage avec son état d'ébriété. Il risque de regretter amèrement tout ce qu'il s'est passé ce soir, mais l'idée lui passe vite. Il n'y a qu'un feu et qu'une seule couverture ; cela lui semble tout naturel de partager.

Pourtant, il regrette vite son hospitalité. Et fixe Sylath d'un regard noir, grognant une protestation dans sa barbe — ou plutôt son absence de barbe.

— Vous savez ce qu'il vous dit, l'écureuil ?

Il s'emmitoufle un peu plus dans la fourrure, prenant des airs outragés. L'image le laisse perplexe, et il se demande s'il ne devrait pas effectivement lui interdire de continuer de l'appeler comme ça. Mais cette sonorité familière ne lui était pas si désagréable que ça, si bien qu'il hésite. Et finalement, ne répond pas, trop imbibé pour concevoir les conséquences de son silence.

Il a dû fournir tellement d'effort de concentration pour affronter Sylath et son dilemme intérieur qu'à présent, il a l'impression d'avoir la tête complètement vide. D'autant plus qu'une chaleur bienvenue se répand en lui, l'envahissant d'une douce torpeur.

Ce qui ne l'empêche pas de jeter un bref regard en coin au vampire.

Il est surpris d'entendre son rire, de sentir ses épaules secouées par l'hilarité. Sylath, ivre ? Il peine à y croire, et scrute son visage de glace pour y déceler les signes de l'ébriété.

— Un mercenaire qui tient pas l'alcool, ça survit pas longtemps.

Ne pas être le premier à tomber sur la table, c'est l'une des toutes premières règles qu'il a appris au contact des autres mercenaires. Une consigne élémentaire pour conserver sa réputation autant que sa dignité. Et sa vie, parfois, dans certains milieux particulièrement hostiles.

Pourtant, une lueur de défi passe dans le regard d'Ilashan ; c'est presque une provocation de lui dire qu'il serait le premier humain à réussir à le soûler.

— Parce que ça vous manque, d'être ivre ? Ça donne mal à la tête et ça rend impuissant.

Même s'il n'est jamais le dernier quand il s'agit de boire jusqu'à en perdre la raison. Cependant, il voit mal ce qu'un homme comme Sylath pourrait rechercher dans l'ivresse. Il lui a toujours semblé qu'il aimait l'autorité et le contrôle, deux choses que l'alcool émousse considérablement.