L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

96 ~ Ilashan

           

Ilashan n'a effectivement pas l'intention de revendre quoi que ce soit, encore moins pour s'acheter un domaine dans le nord. Si une telle lame existe...

Il se demande même s'il oserait s'en servir. La porter à son flanc. S'il revenait sur ses terres natales avec une telle lame en main, il pourrait aisément soulever une rébellion.

Mais s'il perd...

— Ça, c'est votre point de vue. Vu du mien, si je perds, je devrais me promener complètement nu devant toute une assemblée d'inconnus, et me retrouver au centre d'une attention que je n'ai vraiment pas envie d'avoir. Tout ça pour une religion qui n'est pas la mienne.

Il n'a que faire des honneurs et des félicitations. Ne resterait pour lui qu'une cérémonie plus que désagréable. Et supporter en plus une fête, et un banquet ? Comme invité, passe encore, mais il suppose qu'avec le manteau sur le dos, il serait là encore au centre des regards et des conversations. Il en frémit rien que d'y penser.

— Il y a des tas d'esclaves dans votre Forteresse qui doivent rêver d'être choisis. Ne leur donnez pas une raison de plus de m'en vouloir.

D'autant plus qu'il ne pourrait s'en prendre qu'à lui-même d'avoir été assez stupide pour s'infliger un tel calvaire. Juste pour la perspective de, peut-être, remporter une nouvelle épée. Si la lame lui avait été assurée, ensorcelée ou pas, il y aurait peut-être réfléchi à deux fois. Ou s'il avait eu quelques verres de vin dans l'estomac.

Mais il est tristement sobre, et le simple fait de s'imaginer avec des centaines de paires d'yeux braqués sur lui achève de le convaincre.

— Je ne vais pas prendre le risque de confier ça au hasard. Surtout sur le territoire de votre dieu.

Ilashan ramasse la pièce pour la lancer à Sylath. Il a vu assez de manifestations de la magie du Veilleur pour admettre son pouvoir. Aucune chance qu'il ne remporte un jeu de hasard dans son propre Temple. À moins que le dieu de l'hiver n'ait pas la moindre envie d'être honoré par un mercenaire réfractaire... mais Ilashan ne parierait pas non plus là-dessus. La cruauté et l'ironie des dieux peut être sans limite. Surtout celle d'un dieu du froid et de la nuit, qui se repaît du sang de ses fidèles, et de la vie des humains pris dans la glace.