127 ~ Sylath

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Sylath regarde Ilashan vider son verre comme un pilier de taverne et se demande si cela le soulage de la tension de la soirée. Sur lui, l'alcool n'a aucun effet quand il le boit pur, le seul moyen pour lui d'être ivre, serait de boire le sang d'un humain alcoolisé. Et ce n'est pas quelque chose qui arrive souvent, au temple. Mais il se sert néanmoins un verre, parce qu'il aimerait bien lui aussi éprouver les effets d'une quelconque drogue, pour chasser de son esprit le corps d'Ilashan avançant nu dans sa direction, et le regard troublé qu'il avait après la cérémonie. Pendant un court instant, avant que l'humain ne replace ses barrières, il a eu l'impression de voir son âme. Ilashan avait l'air émotif et bouleversé, assez sensible aussi, et désarmé. Tout ce qu'il n'est jamais.

Il tend la bouteille à l'humain et reçoit les félicitations de trois autres vampires pour la cérémonie « très réussie » de cette année. C'était la plus belle, pense Sylath, mais ça n'a rien à voir avec les paroles qu'il a prononcées, et tout à voir avec l'expression furieuse du visage d'Ilashan. Pour l'heure, l'humain semble aller beaucoup mieux. Son air revêche auquel Sylath s'est habitué lui fait plaisir et signifie que l'humain est redevenu lui-même.

Le vampire laisse échapper un rire chaud et sincère en réponse à la question d'Ilashan.

— Ah, je ne t'avais pas dit ? On dévore le novice qui a eu l'honneur de porter le manteau, à la fin de la soirée !

Sylath se recompose une expression très sérieuse pour laisser planer le doute. Il sait que c'est le genre d'humour qui n'amuse pas du tout Ilashan, mais il a envie de le taquiner.

— Traditionnellement, reprend-il, le fidèle qui participe à la cérémonie du solstice est invité à la table d'honneur. Prends le temps de manger, puis tu pourras aller t'asseoir à une autre table, ou aller danser. Les danses traditionnelles du Nord sont compliquées mais je suis certain que Yola et Fraya se feront un plaisir de te les enseigner.

Les deux jeunes filles en entendant leur nom se penchent derrière Boréa pour apercevoir Ilashan.

— Ce serait un plaisir ! dit l'une d'elles.

La seconde vient s'asseoir sur les genoux de Boréa qui est leur maîtresse, pour engager la conversation avec le mercenaire. La première se lève et vient se placer contre la chaise de l'immortelle pour discuter aussi. Les jeunes filles insistent pour inviter Ilashan à danser et à boire au moment où des musiciens commencent à entonner un chant traditionnel du Nord. Les novices qui ont terminé leur repas s'assemblent au milieu de l'espace laissé entre les tables et les danses commencent.

Sylath se lève en emportant son verre qui ne lui fait aucun effet, il est sollicité par des vampires et des novices, on lui demande des nouvelles de Mérédith, beaucoup de novices sont surpris de ne pas l'avoir vue à la cérémonie. Des fidèles lui demandent déjà s'ils pourront être choisis l'année suivante. La nuit avance, les conversations se tarissent et les assiettes vides sont abandonnées sur les tables par les personnes âgées qui ont participé à la cérémonie et au banquet mais qui quittent la fête rapidement, les familles du temple qui se retirent également assez tôt, et les danseurs dont les rires se mêlent aux danses.

Les dentelles blanches tourbillonnent dans un ballet qui ressemble à une tempête d'étoiles de givre. On sert finalement des desserts glacés et Sylath met fin à une conversation pour rejoindre sa place comme tout le monde. C'est l'heure où les vampires se nourrissent. Après les humains, quand les familles sont parties, les vampires profitent eux aussi du banquet. Il n'y a bien sûr par d'excès, tous les humains mordus sont consentants, ils ne sont pas vidés de leur sang et ce sont souvent les propres calices des vampires quand ils en ont. Mais Sylath a dans l'idée que ce spectacle, en plus du reste, va être de trop pour Ilashan, et il pose sa main sur son épaule en arrivant près lui.

— Nous allons nous retirer maintenant, Ila. C'est au tour des immortels de profiter de la fête et de se nourrir, la suite ne va pas te plaire, je pense.

Sylath sent sa propre soif devenir douloureuse. Il n'a jamais eu aussi soif que depuis qu'Ilashan est entré dans sa vie. Mais il ne laisse rien voir de son état de manque, sa priorité est d'épargner l'humain.

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant