Ilashan doit se retenir de rouler des yeux en entendant que Sylath ne veut pas le laisser seul. Il se sent bien mieux, et ne compte pas faire de choses insensées. Il n'a pas besoin d'une nounou pour veiller sur lui. Il n'en avait déjà pas lorsqu'il était enfant.
Ilashan remercie d'un grognement poli l'esclave qui vient lui porter un repas et mange sans rien dire, observant l'échange de l'humaine et du vampire d'un œil plus que méfiant. Il ne tient pas à revoir Sylath se nourrir. Il a l'impression que cet acte était bien trop... intime, et n'a aucune envie d'en être à nouveau le voyeur. Resté seul dans le lit pendant la cérémonie, il termine son assiette, puis tente de se rendormir, sans vraiment de succès. Ces « offrandes » auxquelles procède Sylath sont toujours une énigme pour lui, et il n'a aucune envie de la résoudre.
Il ne dort pas lorsque le vampire revient, et se laisse toucher sans broncher, malgré un regard morne. En revanche, il se tend malgré lui lorsque Sylath défait un à un les rideaux du lit. Espérant que le vampire n'ait rien vu lorsqu'il réalise que ce dernier ne voulait que lui donner un peu d'intimité, et non pas sortir des liens secrets pour l'entraver.
Ilashan a conscience que ses propres réactions sont parfois exagérées, mais il ne peut décidemment pas abaisser comme ça des murailles qu'il a maintenues en place depuis des années. Sans parler de sa réticence à le faire.
Il enfile le peignoir et ne se fait pas prier pour quitter le lit, beaucoup trop imprégné par l'odeur de Sylath à son goût. Mais il avertit d'abord le vampire qu'il va récupérer quelque chose dans sa chambre, avant de revenir s'installer devant la cheminée. Il ne va pas rester sans rien faire à fixer les flammes. Il étale plutôt devant lui une partie du contenu de sa vieille besace pour entretenir l'acier et le cuir de son équipement. Il s'occupe ainsi une bonne partie de la nuit, ne jetant qu'un œil au mieux intrigué, au pire désintéressé aux visiteurs qui se succèdent et à leurs possessions. Il doit reconnaître que pour un dieu de l'hiver, les ornements sont moins macabres que ce qu'il redoutait. Il trouve même une forme de beauté dans ces arrangements, mais il est bien mal placé pour en parler.
La visite de Boréa, en revanche, le rend beaucoup plus mal à l'aise. Il n'a pas vraiment eu l'occasion de voir d'autres vampires de près, encore moins de femmes, et ne peut s'empêcher de la fixer à la dérobée. Il refuse poliment mais abruptement la proposition de lui apporter des livres, espérant qu'ils ne verront rien du malaise que provoque en lui cette offre, et range soigneusement ses armes affûtées pour ne pas effrayer les humains qui entrent à leur tour.
Il devrait se sentir honteux d'être dans cette position devant eux. Assis devant la cheminée, oisif, comme un animal de compagnie qui paresse en attendant l'attention de son maître. Mais il n'a pas le loisir de ressentir de mal-être, son regard s'écarquillant au fur et à mesure que la conversation avance et qu'il comprend en quoi consiste la cérémonie. Pourquoi ces humains sont là.
Ilashan détourne les yeux lorsqu'ils se déshabillent, ne voulant pas donner l'impression de les dévorer du regard. Ce que les vampires, eux, ne se retiennent pas de faire, alors que les jeunes gens semblent plus que flattés de se dévoiler ainsi à leurs yeux.
Son ressentiment se réveille, mais il n'a cette fois aucun mal à le maîtriser. Il a déjà connu toutes sortes de célébrations au cours de ses voyages. Des rites bien plus incongrus, ou bien plus effroyables. La nudité ne le gêne pas foncièrement, pas plus que la parade, dont il pense saisir la symbolique.
Il voit très clairement le regard de Sylath dévier des jeunes gens à sa propre personne. Et comprend en moins d'un instant ce qu'il doit se passer derrière les yeux bleus du vampire, à quel genre de conclusion il a dû arriver, et quelle question silencieuse sa bouche impassible se retient de lui poser.
— N'y pensez même pas.
Le ton de sa voix est aussi réfractaire que l'expression de son visage. Il n'a jamais aimé s'exposer et être au centre de l'attention. Alors parader nu, pour une cérémonie religieuse ? Il aurait refusé « l'honneur », même si on le lui avait demandé pour célébrer son propre dieu.
Et il doute que Sylath ne réussisse à le faire changer d'avis.
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L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige
Ma cà rồngDans les terres enneigées du Nord, un groupe de mercenaires a été envoyé à la recherche de villageois portés disparus. Pris dans une tempête, Ilashan, un guerrier venu du Sud lointain, ne doit son salut qu'à l'apparition d'une silhouette mystérieuse...