L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

166 ~ Ilashan

Ilashan adresse un regard noir à Sylath. Il ne s'est levé que pour récupérer le plateau repas et se rassoit aussitôt devant la cheminée pour manger sans grande conviction.

Il n'est pas jaloux, et n'a pas non plus vraiment le sentiment d'être unique, ou bien complètement transparent. Mais le vampire à raison. Il est humain. Il ne fera qu'un passage éphémère dans la longue vie de l'immortel.

La nourriture est bonne mais son palais n'est pas vraiment en état de savourer quoi que ce soit aujourd'hui. Il avale sa soupe chaude sans plaisir ni dégoût, avant de nettoyer son bol avec un bout de pain.

Un calice. Sylath lui en a déjà parlé. Il ne savait pas ce que ce mot voulait dire, quelques jours en arrière, lorsque le vampire lui avait proposé de devenir le sien. Et cela lui plait encore moins maintenant qu'il le sait. Et qu'il sait que Sylath en a déjà eu.

— Mais vous l'avez déjà partagé. Et vous n'avez jamais parlé d'eux.

Il relève le regard vers Sylath, pas agressif, mais pas vraiment engageant non plus. Il a bien conscience que la chambre qu'il occupe a déjà connu d'autres humains que lui. Probablement des humains qui ont été très intimes avec le vampire. Et pourtant, il n'y a plus la moindre trace de leur présence dans cette pièce, ni jamais la moindre mention dans la bouche de Sylath. Comme si leur souvenir n'était qu'un flocon de neige posé sur l'immensité de la forteresse.

— Et vous ne parlerez pas plus de moi à la prochaine créature que vous aurez envie de posséder. Alors n'essayez pas de me faire croire que vous continuerez de penser à moi quand je serais parti. Ça ne fait qu'une semaine que je suis ici. Pour vous, je suis juste une nouveauté un peu différente des autres. C'est pour ça que ça vous met dans cet état.

Il se redresse pour déposer son plateau sur une commode près de l'entrée.

Les obsessions ne durent jamais longtemps, et celles d'un immortel ne doivent pas échapper à la règle. Cela ne le rend pas particulièrement amer, mais il ne veut pas se laisser avoir par les paroles séduisantes du vampire.

La solitude a un avantage : les déceptions sont rares.