L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

198 ~ Ilashan

La sensation des lèvres de Sylath contre sa tempe trouble au plus haut point Ilashan. Presque autant que cette étreinte dans laquelle le vampire l'a attiré, et qui le réchauffe un peu dans la froideur de la nuit. Ce n'est pas vraiment un baiser, mais pas vraiment non plus un contact innocent. Et il y a tant de choses contenues dans cette réaction inattendue qu'il en a la gorge sèche et le cœur battant.

Parce qu'il croyait que Sylath allait le repousser ? Qu'il s'était finalement lassé de lui courir après, et s'apprêtait à renoncer à lui ?

Peut-être que ça aurait été une bonne chose, pour le vampire.

Et pour lui aussi, au bout du compte, car on lui a rarement témoigné autant d'affection dans une simple étreinte, et qu'il n'a jamais été préparé à affronter quelque chose comme ça.

Ilashan acquiesce d'un signe de tête à la conclusion de Sylath, sans oser récupérer sa main, pas plus que lâcher la sienne. C'est tellement différent de ce jour où le vampire l'a aidé à remonter hors des grottes sous la forteresse. Il ne sent pas sa peau à travers l'épaisseur de ses gants, à peine la pression de ses doigts contre les siens, mais il a l'impression que s'il rompait cet infime contact, il risquerait bien plus que de trébucher dans la neige. Si bien qu'il attend d'être enfin à l'abri des murs de la forteresse pour finalement retirer son bras, comme si la protection du temple pouvait aussi le préserver d'un geste mal interprété.

Ce n'est qu'une fois à l'intérieur qu'Ilashan prend conscience du froid qui régnait dehors tant la température lui paraît soudain étouffante. Il ne tarde pas à retirer les nombreuses épaisseurs qui le recouvraient, pour éviter de se retrouver étourdi et en nage avant même d'avoir vraiment rejoint les parties habitées.

Ce n'est pourtant pas la chaleur extérieure qui lui pèse le plus, mais bien quelque chose qui semble irradier à l'intérieur de lui. Tâtonnant sous le col de ses vêtements, Ilashan profite que Sylath le précède dans les couloirs pour extraire son médaillon. Cela lui fait le même effet que de s'éloigner d'un feu de cheminée, et il fixe un instant le pendentif, les sourcils froncés. Il lui paraît brûlant contre la paume de sa main.

Est-ce que la chaleur de son dieu l'aurait protégé du froid mortel de la nuit du nord ?

Non. Ce n'est sûrement qu'une perception faussée par sa peau gelée. Sans rien dire à Sylath, Ilashan se contente de fourrer le bijou dans l'une de ses poches avant de presser le pas pour rattraper le vampire.

— J'ai besoin de me changer, et de manger. Vous devriez y aller. Vous devez avoir assez perdu de temps comme ça.

S'il ignore encore que la prière du jour n'a pas eu lieu à cause de lui, il devine sans mal que Sylath a dû passer un moment à le chercher avant de retrouver sa trace dehors. Il lui paraît inutile que le vampire gaspille encore son temps à cause de lui. Ilashan se sent tout à fait capable de subvenir seul à ses besoins immédiats.

Besoins que Sylath, lui, n'a pas comblé depuis des jours.

L'idée lui avait déjà traversé l'esprit au réveil, mais il l'avait violemment repoussée. Quelques heures plus tôt, cela lui paraissait inenvisageable. C'était avant de passer tout ce temps au dehors, à réfléchir et faire le ménage dans sa tête bien trop encombrée.

Tandis que maintenant... à travers ses pensées confuses, cela lui paraît être la bonne chose à proposer. Pas pour se faire pardonner d'être sorti sans rien lui dire, ou par une espèce de gratitude mal placée.

Juste parce qu'Ilashan a le sentiment que c'est ce qu'il doit faire, malgré toute l'appréhension que cela lui inspire. La même pulsion qui l'a poussé à attraper la main du vampire pour lui faire comprendre ce qu'il voulait dire, quelques minutes plus tôt.

— Et... après... si vous voulez... je vous laisserai vous nourrir. Vous n'avez pas bu depuis la cérémonie du solstice.