La jeune femme ne réagit pas tout de suite aux mots prononcés par sa cliente, trop abasourdie par la pirouette que Grégoire venait d'exécuter. Un millier de questions se bousculaient dans son esprit sans qu'elle ne puisse réellement les distinguer les unes des autres. Grégoire continuait de discuter avec ses clients qui arrivaient en caisse les uns après les autres avec les références exacts dont ils avaient besoin. Chacun d'eux chantaient les louanges ce qui mettait la jeune libraire dans une rage folle. Mais avec le monde présent dans la boutique elle ne pouvait pas se permette de faire une scène, il ne payait rien pour attendre. Clémentine encaissa donc ses clients les uns après les autres, s'occupant par la même occasion de commander leurs prochains achats ou de les mettre à part quand il s'agissait de livres qu'elle possédait déjà.
Lorsqu'ils furent tous partis elle congédia à son tour la représentante Interforum et pria pour que le prochain client lui laisse le temps d'incendier l'idiot qui se trouvait dans le fond du magasin avant de passer le pas de la porte. Elle prit néanmoins un moment pour ranger ses papiers et ordonner ses commandes avant de se diriger d'un pas énergique vers le fond de la boutique.
-Je peux savoir à quoi vous jouer ?
-Pardon ?
-Vous savez très bien de quoi je parle. Qu'est ce qu'il vous a prit de vous faire passer pour un libraire auprès de mes clients ? Vous cherchez à me forcer la main pour que je vous engage c'est cela ? Ou alors vous cherchez à tout prix à attirer mon attention ? Oui c'est sans doute ça.
-Je suis entré pour acheter un livre, il prononça ses mots en lui montrant le-dit livre comme pour appuyer son propos, et d'un seul coup un tas de client est entré alors que tu étais occupée avec cette représentante. Je n'avais pas calculé mon coup à la base, c'est cette cliente qui a cru que j'étais un nouveau libraire en me voyant fouiner dans les rayons. Mais je te signal quand même que je t'ai retiré une épine du pieds en m'occupant des clients.
Clémentine devait bien avouer qu'il marquait un point et le remercia en bafouillant. C'est vrai que sans lui elle n'aurait jamais aussi bien réussit à gérer la situation difficile dans laquelle elle s'était empêtrée. Mais cela ne voulait pas pour autant dire qu'elle passait l'éponge sur cette mascarade qui l'avait mise dans de beaux draps puisque certains clients pensaient maintenant qu'un nouveau libraire officiait en ville et le bruit ne tarderait pas à se propager. Cette simple idée fit remonter en elle l'énervement qui lui donnait toute son assurance face au jeune homme.
-Vous m'avez bien aidé mais maintenant il va falloir que je dise à mes clients que c'était totalement faux et que, non, je n'ai pas engagé quelqu'un pour m'aider à la boutique. Et j'ai horreur de devoir m'expliquer, surtout que je vais avoir l'impression de leur avoir menti !
-Et si tu m'engageais vraiment ? Tu n'aurais pas besoin de leur mentir comme ça. Voilà le problème est résolu ne me remercie pas.
Grégoire n'en croyait pas ses oreilles. Comment avait-il réussit à trouver le courage de lui balancer ça en pleine figure ? Il avait conscience que c'était totalement déplacé et que ce n'était pas du tout comme ça qu'on proposait sa candidature à un employeur, surtout quand celui ci avait autant de caractère que la jolie jeune femme qui se tenait face à lui. Mais les mots étaient sortis tout seuls de sa bouche sans qu'il ne puisse les ravaler à temps. Et maintenant il était sans doute tout rouge face à une Clémentine qui enrageait de plus en plus.
Non mais quel toupet, pensait-elle au moment où il regrettait d'avoir parlé trop vite, comment osait-il prétendre pouvoir travailler pour elle après avoir conseillé une petite poignée de clients ? Certes il avait visé juste à chaque fois mais quand même. Et puis vu l'état dans lequel il la mettait à chaque fois qu'elle se trouvait en face de lui ça allait être difficile de travailler ensemble. Mais malgré tout une petite voix se détachait des autres et lui soufflait que ça ne serait peut-être pas un si mauvaise idée après tout... Au moins elle pourrait l'avoir à l'œil et ça déchargerait une partie du travail qui pesait sur ses épaules continuellement. Un doute commençait à s'immiscer dans son esprit si bien qu'elle était sérieusement en train de se demander si elle n'allait pas considérer la chose.
-Vous ne manquez pas d'air quand même de me balancer ça comme ça. Vous croyez que ce sont des manières de demander un travail ?
-Je suis vraiment désolée. Je te l'ai dit hier soir quand je suis près de toi je perds totalement mes moyens.
-Oui enfin vous m'avez dit que vous deveniez plus timide et réservé, pas arrogant.
La remarque de la jeune femme le piqua vivement et il se renferma sur lui même à la vitesse de l'éclair. Il n'arrivait plus à contrôler les sentiments contradictoires qui déferlaient en lui quand elle était dans le coin et cela donnait parfois lieu à son attitude arrogante qu'il abordait pour se protéger. Il se détestait d'avoir agit comme ça et d'avoir un peu plus creuser l'écart qui sévissait entre eux.
-C'est vrai oui, j'ai cette fâcheuse tendance quand je me sens agressé
-Pour ma part j'admets que je peux parfois avoir un ton plus cassant que je ne le voudrais. Je n'avais pas pour but de me montrer agressive simplement, comprenez moi, vous débarquez dans ma boutique pour conseiller mes clients comme si vous aviez toujours travaillé ici. Avouez que c'est un peu déstabilisant, d'autant plus quand je sais que vous m'avez suivie toute la semaine dernière. Je ne sais pas ce qui m'empêche d'appeler la police franchement.
-Quelque chose en votre fort intérieur vous pousse à me faire confiance sans que vous ne puissiez vous l'expliquer. C'est ce qui se passe avec moi, même si nous avons deux manières différentes de réagir à cette situation qui nous dépasse.La jeune femme apprécia qu'il se mette à la vouvoyer, elle avait horreur des inconnus qui se croyait tout permis et même si hier soir au bar elle avait baissé sa garde, elle ne comptait pas se laisser déstabiliser une fois de plus. Néanmoins elle devait bien avouer qu'il avait raison, une petite voix dans sa tête lui disait de lui faire confiance. Clémentine commença alors sérieusement à songer à l'embaucher. Mais avant cela il devrait passer une petite épreuve pour qu'elle soit certaine qu'il puisse faire face aux clients les plus exigeants.
-Bien, j'accepte de vous laisser une chance. Ce soir il y aura une petite soirée pour fêter l'ouverture de la boutique, vous m'y rejoindrez pour que je vous face passer un petit test. Prenez ça comme un entretient d'embauche d'accord ? Je vous enverrais l'adresse du lieu par sms quand je la connaîtrais, ça vous convient ?
Le jeune homme resta totalement interdit face à elle. Il ne parvenait pas à croire qu'il avait réussit, elle lui laissait finalement sa chance même après qu'il se soit montré plus que culotté. Il eut un instant envie de la serrer dans ses bras en la remerciant, puis il se rappela que tout n'était pas encore joué. Enfin, son don lui permettrai sans doute de passer cet « entretient d'embauche » revisité sans encombre mais il valait mieux rester sur ses gardes. Il se contenta alors d'acquiescer avant de s'excuser à nouveau pour l'impolitesse dont il avait fait peur puis il s'éclipsa rapidement sans demander son reste. La jeune femme lui fourra entre temps un papier avec son numéro de téléphone dans la main en lui demandant de lui envoyer un message rapidement pour enregistrer son contact.
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Sixième Sens
Художественная проза"La jeune libraire avait toujours un coup d'avance sur ses clients et devinait si précisément leurs besoins, à chaque fois, que les plus fidèles d'entre eux la surnommait « la magicienne ». "