Chapitre XI (7/8)

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Clémentine dédia son jour de repos imposé par son collègue au rangement de sa bibliothèque, qu'elle avait finalement décidé de changer pour ne garder que deux grandes étagères qui entouraient son nouveau meuble de télévision où se mêlaient ses livres préférés et quelques pièces de décoration qu'elle affectionnait tout particulièrement. Le reste des étagères avaient été démontés et descendus à la cave hormis une qui siégeait maintenant dans sa chambre à couchée. La jeune libraire aimait beaucoup le rendu final qui lui laissait une plus grande place qu'elle pourrait consacré à son sapin de Noël. Elle était en train de peaufiner les derniers détails, méticuleuse qu'elle était, quand elle entendit la porte de l'appartement s'ouvrir. Son sang ne fit qu'un tour et elle se leva précipitamment pour rejoindre le couloir au pas de course. Maxime se tenait sur le pas de la porte, son éternel sac de voyage à la main l'air hésitant.

-Hey... Je suis rentré, bredouilla-t-il penaud
-Techniquement t'es encore sur le palier, répondit la jeune femme avec un petit sourire avant d'aller l'enlacer, aller vient par là
-Je suis désolé. Je te dois une explication mais c'était trop compliqué à expliquer par téléphone et j'avais peur qu'ils aient mis ma ligne sur écoute
-Mais qu'est ce que tu as foutu pour te retrouver dans une situation aussi dingue ?! Sérieux Max tu n'imagine pas à quel point je me suis inquiétée pour toi ces trois derniers jours ! Tu sais combien je suis anxieuse pourtant.
-Je sais je sais, j'ai pas géré mais sur le coup j'ai pensé que c'était la meilleure chose à faire. Je vais tout t'expliquer ne t'inquiète pas. En vrai ce n'est pas grand chose c'est juste un gros malentendu. Et ça m'apprendra à vouloir bien faire, grommela-t-il dans sa barbe
-Bon aller, rentrons. Tu vas m'expliquer tout ça tranquillement d'accord ?

Les deux cousins rentrèrent pour s'installer dans le salon de la jeune femme et pendant que Max rangeait rapidement son sac dans sa chambre - il fallait bien avouer qu'il s'était approprié la pièce - elle leur prépara une tasse de thé. Il vint ensuite la rejoindre dans le canapé où elle s'était emmitouflée sous un plaid.

-Bon. Je vais essayer de faire simple. En vrai c'est pas un truc de dingue hein, je suppose que tu as du t'imaginer les pires scénarios du monde mais au final c'est un tout petit truc de rien du tout.
-Abrège merde. Viens en au fait parce que je te jure que je perds patience là.
-Pardon pardon. Alors voilà, j'étais tranquillement en train d'attendre à l'aéroport quand j'ai eu la vision d'un avion qui explosait en plein vol. Enfin non, c'était plus long que ça mais pour te résumer le truc ça a fait un peu comme un film en accéléré. J'ai vu ces mecs poser une espèce de bombe énorme dans les soutes ou un truc du genre, je m'y connais pas trop en intérieur d'avion, bref. Je voyais ensuite les passagers monter, l'avion décoller avant qu'il n'explose en plein vol. Aucun survivant bien-sûr mais ça tu t'en doutes, enfin bon c'était horrible quoi. J'entendais les hurlements comme si j'étais l'intérieur de l'avion, alors qu'au même moment je le voyais exploser enfin c'était vraiment super bizarre. Et puis, en voyant tous ces gens mourir je n'ai pas pu me résoudre à fermer les yeux sur ce que j'avais vu comme je le faisais d'habitude. Alors j'ai prévenu les autorités, je n'avais pas beaucoup de détails mais par chance ils m'ont écoutés et ils ont fait bouclés l'aéroport. Je te passe les détails mais c'était un joyeux bordel. Bizarrement ils n'en ont pas beaucoup parlés aux infos. Enfin bref, une fois le danger écartés j'ai été mis en garde à vue parce qu'ils pensaient que j'avais quelque chose à voir avec cette bombe. Heureusement que mon père a un bon avocat, et que mes proches ont montrés aux flics que tout était normal chez moi, malgré mon petit problème d'addiction, enfin que je n'étais pas du genre à poser des bombes parce que sinon j'y serais encore. Bon je te la fais super courte parce que j'ai pas trop envie de repenser à ça, surtout que ça a pas l'air encore totalement terminé. Ils m'ont demandés de rester à leur disposition le temps que l'enquête soit terminée et que je sois totalement mis hors de cause, enfin tu sais le genre de trucs qu'ils font toujours dans ce type d'affaire quoi. Surtout qu'ils me font moyennement confiance vu que j'ai pas vraiment été capable de leur expliquer comment je savais qu'il fallait contrôler tel avion et que la bombe serait à un endroit précis tu vois ? Vive mon super don qui ne m'attire que des problèmes. Putain.
-Attend. J'suis pas sûre d'avoir tout saisi. Ils te soupçonnent d'être un genre de poseur de bombe ? Ils ont cru que tu préparait un attentat ? C'est pour ça qu'ils m'ont demandé comment tu t'étais comporté ces derniers temps, ce que tu avais fait pendant tes deux ans à l'étranger et tout le tintouin ?
-En même temps pour quoi d'autre voulais tu que je passe au moment où j'ai débarqué au poste de sécurité de l'aéroport totalement paniqué pour leur dire qu'il y avait une bombe dans un avion ? Et puis tu aurais vu comment ils m'ont traités ensuite... Non franchement ça vaut le coup d'essayer de sauver des vies moi je te le dis, cracha-t-il amèrement
-Eh ne dis pas des choses pareilles. Tu as sauvé des vies Maxime, c'est énorme. Tu te rends compte que c'est principalement à ça que sert ton don ? À empêcher que ce genre de drames se produisent, et tu t'es enfin décidé à t'en servir ! Je suis fière de toi.
-Ouais bah je suis pas certain d'avoir envie de recommencer...
-Mais qu'est ce que tu racontes ? Pourquoi ne pas continuer à tenter de sauver des vies quand tu en as l'occasion ? C'est vrai que parfois tes visions concernent des endroits un peu trop éloignées de là où tu te trouves pour que tu fasses quelque chose immédiatement comme dimanche mais-
-Je suis pas un putain de super-héro Clémentine, la coupa-t-il abruptement. Le délire Superman qui sauve le monde où je sais pas quoi, très peu pour moi ok ? J'ai jamais voulu de ce don, tu sais à quel point c'est difficile pour moi de vivre avec sachant à quelle période merdique de ma vie il me ramène. Chaque fois que j'ai une vision c'est comme si on me foutait un nouveau coup de poignard dans le cœur, ça remue le couteau dans la plaie encore et encore c'est insupportable, explosa-t-il, et on a pas tous la chance d'avoir reçu une bague magique pour mettre son don sur pause quand l'envie nous prend, ajouta-t-il avant de regretter ses paroles, Non. Pardon excuse moi je ne voulais pas dire ça comme ça je suis super content que tu aies reçu cette bague tu le mérites.
-Te fatigues pas, j'ai bien compris que t'étais légèrement envieux de mon nouveau mode de vie depuis que j'ai découvert les facultés de la pierre. En plus t'as oublié d'effacer l'historique de tes recherches quand t'as voulu voir où on pouvait se procurer ce genre de bijou... Je suis vraiment désolée que tu n'ai pas la chance qu'on m'a offert et si je pouvais faire quelque chose pour te venir en aide tu sais pertinemment que je le ferais. Malheureusement je ne sais toujours pas d'où vient cette bague et malgré tout l'amour que je te porte je ne peux pas m'en séparer...
-Non mais je ne te demandes pas ça, je ne suis pas égoïste au point de te demander ta bague alors que je sais très bien à quel point elle te facilite la vie depuis que tu l'as.
-Je suis vraiment désolée de ne rien pouvoir faire de plus pour toi Max
-Ce n'est pas ta faute, il faut que je me débrouille tout seul comme un grand. C'est juste que plus le temps passe et moins j'arrive à accepter ce don, déjà que je n'y arrivais pas vraiment quand je l'ai eu. Mais bon toi tu ne peux pas comprendre ça, tu as eu de la chance.
-Tu rigoles ? J'ai peut-être mieux accepté mon don que toi grâce à la manière dont il m'a été transmis mais je te rappelle qu'il m'a quand même pas mal gâché la vie à moi aussi. Je sais que c'est difficile pour toi mais ne commence pas à devenir un petit con nombriliste qui passe son temps à s'apitoyer sur son sort pitié. Tu vaux mieux que ça.
-Excuse moi, tu as raison il faut que j'arrête de broyer du noir et que je me bouge. Tu ne mérites pas un colocataire déprimé.

La jeune femme ne répondit pas et se contenta de le serrer très fort contre elle en lui caressant les cheveux. Effectivement, elle ne pouvait pas vraiment comprendre ce qu'il traversait mais elle pouvait toujours essayer de l'imaginer et ce qu'elle percevait n'était pas très joyeux. Elle s'en voulait de ne pas pouvoir l'aider mais malheureusement cette histoire de dons surnaturels dépassait ses capacités et elle semblait condamnée à le voir souffrir, impuissante. Peut-être que Grégoire en saurait plus à ce sujet mais elle ne pouvait ni en être sûre, ni lui envoyer de message pour en discuter avec lui puisqu'il ne savait rien de la condition de Maxime ou de la sienne. Elle soupira en se détachant du jeune homme pour boire une gorgée de son thé alors que ce dernier la regardait en haussant un sourcil.

-Qu'est-ce qui se passe ?
-Rien rien. Je me demandais juste si Grégoire n'était pas la solution à nos soucis. Tu m'as dis la dernière fois que tu avais senti qu'il était bien plus puissant que nous alors je me disais que peut-être il aurait les réponses à nos questions ou au moins de nouveaux éléments qui pourraient nous aider. Qu'est-ce que tu en penses toi ?
-Je n'en sais rien Clem, répondit-il d'un air lasse en passant une main sur son visage fatigué, c'est possible mais je me vois mal aller lui demander en sachant qu'il n'est pas au courant pour nous
-Je sais ouais, c'est bien pour ça que je soupirais. Je crois qu'il va falloir qu'on se fasse à l'idée qu'il n'y a pas forcément de solution à notre problème pour le moment.
-Ne perdons pas espoir pour autant. J'ai envie de continuer à y croire moi. Mais en attendant, et pour éviter d'y penser, j'ai décidé de me lancer dans la recherche d'un nouveau boulot. Bon je pense m'orienter vers Rennes ou Saint-Malo parce que dans le coin il n'y a pas grand chose mais en voiture c'est assez rapide.
-C'est plutôt pour te rapprocher de ta copine oui, dit-elle taquine
-Je ne vois pas de quoi tu parles, et puis techniquement ce n'est pas ma copine.
-Donc c'est un hasard si elle bosse à Rennes et vit à Saint-Malo ? Et comment ça c'est pas ta copine ? Tu t'es toujours pas décidé à officialiser les choses ? Non mais je rêve. T'es totalement mordu max, qu'est-ce que tu attends ?
-Oui bon c'est vrai que je suis mordu, mais ça me fait un peu peur à vrai dire. Je n'ai pas connu ça depuis... il hésita un instant
-Depuis Amalia oui je sais. C'est normal que ça soit effrayant mais il faut que tu continues à vivre. Et je me répète sûrement mais je suis certaine que cette fille est la personne qu'il te faut. Et Amalia ne t'en voudras pas, elle voudrait surtout que tu sois heureux.
-Je le suis, quand je suis avec elle je veux dire. Je ne pense plus à rien c'est comme si on était dans notre bulle. Et puis vraiment elle est merveilleuse c'est un petit rayon de soliel. Et ses yeux...
-Tu te répètes Villey, dit-elle en riant, tu m'as déjà dit ça l'autre jour j'ai compris qu'elle avait un regard à tomber et que t'es totalement sous le charme. Et je suis persuadée que c'est réciproque
-Comment tu peux savoir ça ?
-C'est un truc de femmes. On sent ces choses là.
-C'est ton septième sens c'est ça? questionna-t-il hilare
-Fais pas le malin. En plus tu sais que j'ai raison. Alors tu vas finir par te décider à passer le cap fatidique du premier baiser à l'inviter à sortir ? En tant que couple je veux dire, pas juste un ciné un dimanche après-midi ou je ne sais quoi.

Le jeune homme détourna le regard et marmonna dans sa barbe qu'il comptait le faire mais qu'il attendait juste le bon moment. Ce à quoi Clémentine répondit qu'il n'y avait pas de bon moment, qu'il fallait juste se lancer même en étant totalement mort de trouille.

-C'est ce que tu comptes faire avec Grégoire alors ?
-De quoi tu parles ? Demanda-t-elle en couinant presque
-De toi, Clémentine Villey, qui a le béguin pour ton nouveau collègue trop sexy j'ai nommé Grégoire Germain
-Non mais n'importe quoi toi ! Protesta-t-elle en rougissant
-Tu peux te mentir à toi-même autant que tu veux mais tu ne peux pas me cacher la vérité. Je te connais par cœur, déclara le jeune homme en la fixant du regard, je sais bien qu'il y a quelque chose entre vous
-Oh je sais que tu rêves de jouer les entremetteurs, d'ailleurs je sais très bien que tu n'avais aucun rendez-vous avec Jeremy le premier et que tu as juste voulu nous laisser seuls à l'appartement, mais je suis désolée de te décevoir il ne se passe rien du tout.
-Bon tu m'as percé à jour et ensuite ? Ose me dire que tu n'as pas apprécié cette petite attention hein ?
-Je ne répondrais pas à ça, s'énerva à moitié la jeune femme pour cacher son trouble, et maintenant lâche moi la grappe avec Grégoire s'il te plaît !

Maxime lui tira la langue en se levant avant d'aller s'enfermer dans sa chambre pour appeler sa belle tandis que Clem finissait sa soirée à bouquiner dans le salon.

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