Chapitre IX (5/8)

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Ils terminèrent leur repas bien plus tranquillement qu'ils ne l'avaient commencés, même si quelques piques furent lancées de temps à autres, jamais rien de bien méchant toutefois. Pendant que les garçons démarrait une partie de jeux vidéos la jeune femme rangea la cuisine que Maxime avait toujours tendance à laisser en désordre après avoir cuisiné. Une fois ce coin de la pièce totalement propre elle regagna le canapé où une place restait près de son collègue afin de se plonger dans le dernier roman qu'elle avait commencé. Armée d'une grande tasse de thé elle s'installa confortablement en ramenant ses jambes contre sur buste avant de se couvrir d'un épais plaid. La jeune femme avait conscience qu'elle offrait vraiment l'image d'une petite grand-mère à Grégoire et que ce n'était sans doute pas la meilleure technique pour qu'il s'intéresse à elle - à supposer qu'il le fasse un jour - mais elle se sentait si bien à cet instant qu'elle s'en fichait pas mal. Au lieu de se plonger dans sa lecture elle se surprit à rêvasser à propos de dimanches après-midis qu'ils pourraient passer tous les deux, blottit l'un contre l'autre dans le canapé devant un bon film...

Le cri de Maxime qui venait de battre le libraire à plate couture la sortit de sa rêverie. Il fallait vraiment qu'elle arrête de s'imaginer des scénarios pareils, une histoire comme la leur n'était pas envisageable, elle ne connaissait que trop bien les dangers de l'amour associé au travail et il n'était pas question pour elle de reproduire les mêmes erreurs. Pourtant elle se sentait si bien à ses côtés, totalement apaisée comme cela lui arrivait rarement. La jeune femme poussa un long soupire avant de boire une grande gorgée de thé brulant, comme pour se remettre les idées en place, puis se plongea dans sa lecture en essayant de ne pas prêter attention aux garçons qui jouaient à côté d'elle. Clémentine bouquina pendant une bonne heure, s'arrêtant de temps à autres pour observer la pluie tomber à travers la petite baie vitrée qui donnait sur son balcon. À côté d'elle les garçons continuaient de jouer à un jeu vidéo auquel elle ne comprenait rien du tout, rompant le silence de temps en temps lorsqu'ils poussaient des cris d'énervement ou de victoire. La jeune femme ne pouvait d'ailleurs pas s'empêcher de sourire chaque fois qu'elle les entendait râler pour une quelconque raison, leur jetant par la même occasion un petit regard en coin. Ses yeux finirent par rencontrer ceux de son collègue alors qu'elle souriait pour la énième fois en les voyant se disputer gentiment pour des histoires de tricheries. Et dire que ces éternels enfants ont pratiquement la trentaine... Quand l'image du visage de ses deux amis sur un corps de bébé se dessina dans son esprit elle ne pu retenir un petit gloussement que Grégoire trouva adorable sans même savoir ce qui la mettait dans un état pareil. Maxime lui lança un regard intrigué avant de reporter son attention sur l'écran de télévision.
-T'es vraiment bizarre quand tu t'y mets toi, lâcha-t-il
La jeune femme ne daigna même pas répondre à sa provocation et se plongea à nouveau dans son roman, non sans avoir répondu au petit sourire que son collègue venait de lui offrir.

Quand les garçons finirent par lâcher leurs manettes de jeux ils se rendirent compte que Clémentine avait fini par s'assoupir à côté de Grégoire qui n'osait d'ailleurs plus bouger de peur de la réveiller. Sans faire trop bruit ils discutèrent des débuts du jeune homme à la librairie et de l'ambiance entre les deux nouveaux collègues.
-Oh bah je pense que tu es déjà au courant mais Clémentine est une personne géniale hein franchement, pas prise de tête pour un sous.. Enfin si elle se prend souvent la tête mais toujours vis à vis d'elle même quoi, tu vois ce que je veux dire. En tout cas je pense qu'on forme un bon duo on est assez efficaces à deux.
-Ça me fait plaisir d'entendre ça, je sais que ma cousine peut être assez dure et exigeante surtout en ce qui concerne sa librairie mais d'après ce que tu me dis elle a finit par baisser sa garde avec toi. C'est peut-être dû à notre passé commun remarque, ça a pu vous aider à recréer des liens, ajouta Maxime l'air de rien
-Oh je suis certain que ça aurait été le cas si elle s'était rappelée de tout ça mais puisque ça ne l'est pas je vais devoir te dire que tu as tord, répondit le brun en souriant
-Comment ça ce n'est pas le cas, questionna Maxime en feignant toujours de ne rien savoir
-Elle ne se souvient pas de moi, ni d'une grande partie de son enfance d'ailleurs à première vue. Mais bon bref je n'ai pas très envie de discuter de ça si ça ne te gêne pas. Mais parles en avec elle si tu veux en apprendre plus.
-Je ne voulais pas me montrer intrusif, quoi qu'il en soit vous avez vraiment l'air de bien vous entendre qu'elle se souvienne de votre relation passée ou non et je pense que c'est le principal !
-Exactement. Maintenant j'attends de voir ce que nous réserve l'avenir, ajouta Grégoire avec un sourire en direction de sa patronne.

Un geste qui n'échappa pas aux yeux de Maxime, qui n'avait pas non plus été dupe face à la réaction de son ami quand il avait abordé la sujet de la perte de mémoire de sa cousine. Le jeune homme semblait réellement affecté par la situation même s'il n'avait rien voulu laisser paraître. Tout en se promettant de tirer cette histoire au clair, Maxime décida de s'improviser entremetteur. Les gestes et autres petites attentions qu'avait Grégoire pour Clem ne lui avait pas échappé et cela lui donnait très envie de donner un petit coup de pouce au destin. Profitant de l'absence momentanée de son ami il saisit son téléphone pour convenir d'un rendez-vous avec Jeremy, qu'il savait disponible aujourd'hui, afin de laisser les deux futurs tourtereaux seul à seul. À côté de lui Clémentine dormait toujours, ça allait être un frein à son plan mais si ses calculs étaient bon elle ne devrait pas tarder à ses réveiller, ses siestes ne duraient généralement pas plus de deux heures. En attendant... Eh bien Grégoire pourrait continuer de la contempler à sa guise avec le même petit sourire adorable qu'il avait eu un peu plus tôt.

-Mec je suis carrément désolé j'avais zappé que je devais retrouver un pote pour l'aider à acheter un nouveau canapé !
-Tu dois partir maintenant ? T'as besoin que je te dépose quelque part ?
-Non non t'inquiète il va passer me chercher mais du coup je vais devoir te laisser alors que Clem ronfle encore quoi, ça m'embête. Enfin normalement elle ne devrait pas tarder à émerger mais bon.
-Écoute si tu me laisses accès à ton compte sur la plate-forme de streaming en ligne je pourrais passer l'éponge sur cet abandon.
-Le compte est automatiquement connecté à la télé, t'as juste besoin de cliquer sur ce bouton pour y accéder ! T'es un vrai pote merci, je te revaudrais ça, lança-t-il en attrapant son manteau dans le placard de l'entrée
-Tranquille y a pas de soucis, c'est ta cousine qui risque d'être surprise en se réveillant par contre. Je lui expliquerais. Aller file t'as déjà l'air d'être à la bourre.

Maxime le salua une dernière fois avant de claquer la porte précipitamment. Bien qu'il ne soit pas du tout en retard le jeune homme ne pu s'empêcher de dévaler les quatre étages à toute allure comme s'il était encore dans la peau de son personnage. Il attendrait Jeremy devant un bon café au Quartier Général.

De son côté Grégoire se sentait légèrement gêné de se retrouver seul avec sa responsable qui dormait comme un loire à côté de lui, et ne savait pas quoi faire d'autre que de fixer son attention sur la télévision afin d'éviter de penser à la jeune femme. Toutefois il ne pu résister à la tentation d'être près d'elle et il se glissa doucement à ses côtés sans provoquer aucun contact physique. Il savait qu'il n'aurait pas dû agir de la sorte, d'ailleurs sa raison aurait voulu qu'il s'en aille en même temps que Maxime mais son cœur en avait décidé autrement. Il avait envie de se rapprochement, il ne pouvait pas le nier même s'il savait pertinemment que c'était une mauvaise idée. Elle était sa patronne et n'avait sans aucun doute aucune envie de mêler sentiments et travail mais son cœur ne pouvait s'empêcher d'y croire. Et son esprit commençait à prendre le même chemin...

En attendant que son épisode charge il ne pu s'empêcher de la détailler de plus près. Ses cheveux roux rassemblés au sommet de son crâne en un chignon informe retombaient par mèches autour de son visage de poupée qui semblait totalement paisible. Les petites taches de rousseurs qui parsemaient son nez lui donnaient l'air d'un petit lutin, qui prenait tout son sens quand ses grands yeux verts étaient ouverts. Son attention se porta ensuite sur sa bouche qui bougeait de temps à autres, comme si elle parlait dans ses rêves sans toutefois prononcer aucun mot dans la réalité. Il eu une soudaine envie de l'embrasser et du se faire violence pour chasser cette pensée de son esprit. Non non et non. Il ne pouvait pas. Il n'avait pas le droit. Aussi adorable et séduisante soit-elle cette jeune femme était sa collègue, sa responsable et elle ne serait que son amie. Même si cette idée lui fendait le cœur il devait s'y faire.

Un léger soupire s'échappa des lèvres de la jeune femme tandis qu'elle remuait légèrement dans le canapé pour ajuster sa position. C'est donc tout naturellement qu'elle vint poser sa tête contre l'épaule du jeune homme qui ressenti une espèce de décharge électrique dans tout le corps quand sa peau rencontra celle de la libraire. Clémentine devait sans doute le prendre pour son cousin puisqu'elle continua de se blottir tout contre lui, laissant retomber son bras sur ses cuisses et calant sa tête dans le creux de son cou.

Sixième SensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant