L'heure et demi qui faisait office de pause déjeuner passa à une vitesse déconcertante. Les quatre amis passèrent leur temps à rire aux éclats entre deux bouchées de burgers. Le repas vira même en bataille de frites entre Clémentine et Max pendant quelques instant. Marie fit donc son entrée officieuse dans leur petit groupe à ce moment-là, en attendant d'être présentée au reste des amis de Max - ce qui incluait Gaby, Aurore et Margot qui avaient hâte de mettre un visage sur son nom - un peu plus tard. Au moment des fêtes probablement. Quand vint l'heure de retourner travailler les deux libraires s'installèrent dans la petite voiture de Marie qui les déposa à côté de la petite rue commerçante avant de retourner à Saint-Malo en compagnie de Maxime. Clémentine était toute guillerette après ce moment de détente en famille - elle ne faisait pas de différence, même avec Grégoire qu'elle considérait pratiquement comme sa moitié - si bien qu'elle passa l'après-midi sur un petit nuage. La météo n'était pas à la fête et leur permis d'avoir quelques moments de creux afin de pouvoir terminer la mise en place de la vitrine tranquillement. Ils en profitèrent pour coller quelques pochoirs sur la porte, un gros flocon de neige, un père Noël sur son traîneau et un joli cadeau doré qui collait parfaitement avec la couleur bois clair dont était peinte la porte. Avoir une véritable porte en bois demandait trop d'entretien si bien que la jeune femme avait choisi la facilité avec une simple imitation. Selon elle on n'y voyait que du feu, et les clients ne lui avaient jamais fait aucune remarque déplacée la dessus.
Quand la décoration qui donnait sur l'extérieur de la boutique fût totalement terminée -c'est à dire quand Clémentine fut entièrement satisfaite - il ne leur restait plus qu'une petite heure avant la fermeture. Grégoire en profita pour souffler un peu après avoir subi les sautes d'humeurs de sa collègue qui oscillait entre le ravissement et l'énervement face à sa vitrine qui devait être irréprochable. Fort heureusement pour elle il n'était pas d'un ordinaire sanguin et ils n'avaient pas été jusqu'au clash mais à certains moments il aurait bien aimé lui faire comprendre que ce n'était pas de sa faute si les choses qu'elles s'étaient imaginées ne rendaient pas aussi bien une fois mise en place, entre autres choses. Durant cette après-midi il avait découvert une autre facette de la jeune femme qu'il ne soupçonnait pas, derrière ses airs de jeune femme adorable et merveilleuse se cachait un dictateur totalement maniaque du contrôle. Elle avait été jusqu'à mesurer l'écart entre certains de ses ouvrages avec une règle pour s'assurer que tout était parfaitement symétrique et aligné. "Une vraie cinglée" avait-il pensé sur le coup. Il fallait dire qu'elle venait tout juste de l'envoyer paître parce qu'il avait répliqué que "Oui tes livres s'accordent parfaitement les uns avec les autres, pas la peine de faire ta maniaque" en soupirant parce qu'il aurait aimé passer un peu de temps tranquille avec elle pendant que personne n'était présent dans la librairie. Il s'était excusé directement après pour la dureté de ses mots, mais le mal était fait et Clémentine boudait.
Depuis, la jeune femme ne lui avait pas adressé un mot, pas même pour avoir son avis sur le rendu final de sa magnifique vitrine. Et de son côté, même s'il avait un peu de mal avec son obsession du contrôle, Grégoire ne pouvait s'empêcher de la trouver touchante et adorable tandis qu'elle sautillait - discrètement - de joie face à son oeuvre. Elle était rayonnante bien que ses yeux trahissaient la peine que sa remarque lui avait fait. Alors qu'il terminait d'encaisser un client, il fut pris d'une furieuse envie de la serrer contre lui et de l'embrasser comme jamais un homme ne l'avait embrassé. Mais il dû se contenir puisque d'une part, d'autres clients patientaient pour se faire encaissés et d'autre part elle ne l'aurait jamais laissé faire. Et puis ce n'était pas le moment. Elle ne savait toujours pas pour son don, et il ne savait toujours pas comment lui dire sans que cela lui fasse l'effet d'une bombe. Il soupira en rendant la monnaie à sa dernière cliente avant de finalement se diriger vers le fond du magasin où sa belle était occupée à faire son réassort. En bonne entêtée qu'elle était Clémentine ne leva pas les yeux vers lui quand il arriva vers elle et ne bougea pas d'un pouce quand il passa ses deux bras autour d'elle. Ce n'est pas l'envie qui lui en manquait pourtant. Elle aurait adoré se blottir contre lui, laisser s'échapper toute la pression des fêtes qui commençait sérieusement à peser sur ses épaules mais elle n'oubliait pas ce qu'il lui avait dit quelques heures plus tôt. Une "maniaque" voilà ce qu'elle était pour lui. A cette pensée ses yeux s'emplir de larmes et elle ne pu en empêcher une de rouler le long de sa joue alors que le jeune homme venait de poser sa tête dans le creux de son épaule pour l'embrasser sur la joue. Elle serra les dents et garda le regard rivé sur son écran pour ne pas flancher. Le bougre il y allait à fond. Mais pas question de céder, en plus d'être maniaque elle avait un sale caractère et il n'allait pas tarder à le découvrir.
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Sixième Sens
Narrativa generale"La jeune libraire avait toujours un coup d'avance sur ses clients et devinait si précisément leurs besoins, à chaque fois, que les plus fidèles d'entre eux la surnommait « la magicienne ». "