Chapitre VII (3/6)

209 34 29
                                    

Pendant qu'elle s'installe tranquillement en mettant par la même occasion le panier de son adorable compagnon du jour près du chauffage, elle observe ses clients du coin de l'œil. Ces derniers sont toujours devant la vitrine, en pleine discussion sur la nouvelle décoration et les événements qui les attendent dans les prochains jours. Avant d'aller remonter la grille en fer, elle s'imprègne de l'ambiance qui règne dehors, quelque chose de très joyeux, de positif qui la motive pour affronter les dernières heures qui la séparent d'une soirée canapé/pizza/séries avec Margot. À quatorze heures trente précisément elle ouvre la grille et se prépare, toute guillerette qu'elle était, à accueillir ses clients. Certains d'entre eux passaient d'ailleurs pour récupérer une commande et elle pouvait sentir qu'ils avaient hâte de découvrir les ouvrages qu'elle leur avait déniché. Rien ne lui faisait plus plaisir de deviner la joie qui s'emparait d'eux quand ils pénétraient sa boutique dans le but de profiter des conseils de la « Magicienne ».

En passant derrière la caisse pour s'occuper des commandes, alors que le reste des clients flânait dans la boutique, elle remarqua que son futur collègue avait laissé ses achats sur le comptoir et se surpris à espérer qu'il revienne les chercher pour pouvoir passer un nouveau moment avec lui. Une simple coup d'œil vers l'extérieur l'informa que le nouvel objet de ses fantasmes - en tout bien tout honneur entendons nous - se trouvait toujours dehors et était d'ailleurs en pleine discussion avec son cousin. Elle ne pu s'empêcher d'esquisser un petit sourire avant de se retourner vers ses clients pour les encaisser pour ne pas qu'il se rende compte qu'elle l'observait. La libraire discuta ensuite avec un professeur d'université à la retraite du dernier ouvrage qu'elle lui avait conseillé et qu'il avait adoré. Évidemment elle le savait déjà, mais elle aimait toujours beaucoup avoir les retours de ses clients sur certains livres d'autant plus que ça lui donnait des idées de lectures pour ses moments de détente à l'appartement. Parfois même un livre à commander pour un client lui semblait tellement intéressant qu'elle se laissait séduire et se le commandait pour elle aussi afin d'en parler avec le client un peu plus tard. Clémentine voir ces liens se nouer entre eux grâce à la lecture et la découverte de nouveaux ouvrages, mais aussi grâce aux conseils qu'elle leur prodiguait et aux leçons de vie que ses clients lui enseignaient sans le savoir.

Une fois qu'il fût parti elle retourna dans le fond de la boutique pour conseiller les deux clients restant, passant à chaque fois un long moment avec eux pour en apprendre encore plus sur leur vie, leur personnalité. Le contact humain était sans doute ce qui lui plaisait le plus dans son métier, juste après le fait de passer ses journées dans un endroit rempli de livres et elle ne se lassait pas des discussions qu'elle pouvait avoir avec ses clients. Suite à cela elle leur dénicha à chacun les livres qu'ils leur fallait tandis qu'ils ne tarissaient pas d'éloges sur sa capacité extraordinaire à trouver le livre parfait. Au moment où ils quittaient tous deux la boutique, leurs livres sous le bras, Grégoire et Maxime y entraient. Clémentine leur lança alors un franc sourire en se dirigeant vers eux.
-Je vous offre le dessert les garçons ? J'ai quelques biscuits dans la réserve et du thé.
-Ça ira pour moi, je voulais juste passer récupérer un livre que Jeremy t'as commandé il y a quelques semaines avant d'aller faire quelques courses en ville.
-Je vais devoir décliner aussi désolé, mais je voulais te saluer avant de partir et récupérer les livres que j'ai oublié tout à l'heure.
-Bon, ça en fera plus pour moi tant pis.

La jolie librairie souriait en taquinant les garçons mais ce n'était qu'une manière de masquer sa déception. Elle aurai adoré passer un autre moment tranquille avec Grégoire, d'autant plus qu'ici elle était sur son territoire et avait moins l'impression d'être une adolescente débutante en relations amoureuses. Elle se réconforta néanmoins en se disant qu'une fois qu'il aurait débuté son contrat à la boutique, ils pourraient partager plus de choses sans qu'elle ne se sente mal ou coupable de passer du temps avec lui puisqu'ils travailleraient ensemble. Par chance Maxime étant pressé elle eût le temps de l'avoir rien que pour elle quelques secondes de plus. Le coeur battant à tout rompre - comme à chaque fois qu'il était dans les parages - elle lui tandis ses achats en lui souhaitant une bonne lecture. Elle fait subitement envie de se hisser sur la pointe des pieds pour l'embrasser sur la joue et profiter de son parfum qui lui chatouillait les narines depuis qu'il était arrivé à midi. Ce parfum qui lui avait fait tourné la tête dans le mauvais sens du terme lors de leur première « vraie » rencontre était maintenant pour elle une odeur qu'elle voulait sentir jour après jour, une odeur rassurante et réconfortante qui lui donnait envie de se blottir dans les bras du jeune homme ... Stop. Elle divaguait complètement. Clémentine secoua légèrement la tête comme pour revenir à la réalité et se concentra sur ce que lui racontait son futur collègue.

-Bon, je te dis à lundi alors ? Tu veux que je sois là pour quelle heure d'ailleurs ?
-Exactement, sauf si tu veux passer me faire un coucou demain en te promenant par ici. Et tu peux arriver pour quatorze heures quinze ça suffira.
-J'y penserais si jamais je viens par ici, promis. En tout cas j'ai vraiment hâte de commencer à travailler avec toi, je ne sais pourquoi mais je sens que notre collaboration s'annonce parfaite.
Trop gênée pour répondre la jeune femme se contenta de lui sourire sincèrement alors que ses joues se teintaient de rouge. Et puis il y eût quelques secondes de flottement durant lesquelles ni l'un ni l'autre ne savait s'ils devaient se faire la bise ou se quitter sur ces jolis mots. Finalement, sans comprendre comment elle avait réussit cet exploit, Clémentine se pencha vers lui en se hissant légèrement sur la pointe des pieds afin d'atteindre sa joue pour l'embrasser. Au même moment le jeune homme posait une main mal assurée sur ses hanches comme pour maintenir son équilibre, elle ressentit alors comme une sorte d'onde de choc qui lui donna des frissons de la pointe des orteils jusqu'à la racine des cheveux. La jeune femme était sûrement rouge cramoisie quand elle le salua une dernière fois tandis qu'il passait le pas de la porte, mais qu'importe elle se sentait bien. Un peu anxieuse de ne pas maîtriser ses sentiments, mais bien tout de même.

De son côté Grégoire semblait flotter sur un petit nuage après ce rapprochement inattendu de la part de sa future patronne. Mais le jeune homme était toujours préoccupé par la discussion qu'il surpris un peu plus tôt. Il n'arrivait pas à savoir si il devait lui en parler ou si il devait attendre de voir si Clémentine allait lui parler de son don de son propre chef. Le jeune homme s'était d'abord dit qu'il attendrait avant de lui en parler car il savait d'une part que c'était sans doute la meilleur solution, et d'autre part que s'il lui parlait elle pouvait se braquer - ce qui faisait sens puisqu'il n'aurait pas dû entendre cette conversation - mais d'un autre côté il avait tellement envie d'en savoir plus. Néanmoins s'il lui en parlait, cela voulait aussi dire qu'il devrait lui révéler son secret afin qu'ils soient sur un pied d'égalité, il ne pouvait pas lui avouer qu'il savait pour son don s'il ne lui disait pas pour le sien... En bref il se retrouvait dans de beaux draps s'il venait à prendre les devants pour aborder ce sujet épineux avec elle. Et puis d'ailleurs, comment avouer à quelqu'un qu'on sait qu'il ou elle possède un don magique lui permettant de lire les pensées des autres ? Non vraiment, plus il y pensait plus il se disait qu'il valait mieux garder le silence et attendre qu'elle vienne le voir. Mais d'un autre côté pourquoi viendrait-elle le voir puisqu'elle ne savait pas que lui aussi possédait quelques facultés extraordinaires ? La première règle à propos de ces dons étant que seules les personnes aux « pouvoirs » - il avait horreur de ce mot mais ne savait pas comment qualifier ça autrement - similaires pouvaient être misent dans la confidence, Clémentine n'allait pas spontanément venir le voir pour lui révéler son secret si elle ne savait pas qu'il était dans la même situation qu'elle.

Ce dilemme qui était d'ailleurs en train de lui donner la migraine était donc une belle impasse, à laquelle il allait pourtant continuer de réfléchir car il souhaitait pouvoir partager son secret avec la jeune femme afin que leur relation soit basée sur une honnêteté totale. Mais le jeune homme allait devoir attendre encore quelques temps avant d'atteindre ce palier.

Sixième SensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant