Sixième Sens

Chapitre VI (5/5)

Ce n'est qu'une fois arrivée à la librairie qu'elle se souvint qu'elle devait retrouver Grégoire et Jeanne pour le déjeuner. Une petite boule de stress se forma au creux de son ventre mais elle fut rapidement dissipée quand elle se souvint que tout allait pour le mieux entre elle et le jeune homme maintenant. Apaisée, la jeune libraire fit le tour de sa boutique pour ranger les derniers livres qu'elle n'avait pas pu mettre en rayon la veille et ouvrît la boutique à neuf et demi alors que quelques clients attendaient déjà devant la vitrine. La veille elle avait installé un carillon au dessus de l'entrée qui la préviendrait des que quelqu'un passerait le pas de la porte. Une fois le rideau métallique remonté elle s'accouda tranquillement à sa caisse pour y accueillir chaleureusement ses clients. Ces derniers furent ravis de la petite nouveauté ajoutée par leur libraire préférée et s'extasièrent devant le doux tintement qu'il provoquait chaque fois qu'ils passaient la porte.  Tout cet engouement autour d'un simple craillion acheva de mettre Clémentine de bonne humeur, elle virevoltait maintenant dans la boutique tout sourire pour venir en aide à ses clients. La jeune femme était entourée d'ondes positives depuis qu'elle avait mit les pieds en centre-ville et ne pouvait pas rêver mieux en ce vendredi matin. Bien que sa semaine n'aie pas été des plus dynamique au niveau de la fréquentation - la faute aux vacances scolaires sûrement - elle n'avait pas cessé d'être couverte d'éloges par ses habitués pour lesquels elle avait encore fait des miracles et cela la comblait de bonheur.

Clem passa donc une partie de la matinée sur un petit nuage tandis que la boutique ne désemplissait pas et ce n'est que vers midi qu'elle se retrouva finalement seule dans la boutique, tout le monde était parti manger. Elle en profita pour aller se préparer un petit thé dans la réserve et grignoter un ou deux gâteaux. Alors qu'elle terminait de remplir son énorme tasse elle entendit le tintement de la porte lui signaler qu'un nouveau client pénétrait la boutique. Elle se hâta alors de déposer son sachet de thé dans l'eau bouillante et sortie de sa cachette sa tasse à la main en prenant garde à ne pas se brûler. Ce n'est que quand elle releva la tête pour saluer le ou la nouvelle venue qu'elle rencontra le regard malicieux de Nicole. Sans qu'elle ne puisse s'expliquer pourquoi les larmes lui montèrent presque aux yeux et la jeune femme sentie une douce chaleur lui envahir le corps.
-Madame Gasséli ! Pardon, Nicole. Comment allez-vous ?
-Bonjour mon petit, je me porte comme un charme et vous comment vous portez vous depuis la dernière fois ? Vous me semblez plus en forme.
-Oui, vous avez raison je me sens beaucoup mieux. Je m'excuse encore pour la dernière impression que je vous ai laissé avant votre départ.
-Cessez donc de vous excuser, nous en avons déjà parlé un petit coup de mou ça arrive à tout le monde. L'essentiel maintenant c'est que vous alliez mieux !
-Tout va bien oui, maintenant dites moi ce que je peux faire pour vous ?
-Qu'elle question voyons ! Je viens faire le plein de livres. Voilà deux semaines que je suis partie en vacances chez ma sœur et que je n'ai pas ouvert un bouquin, vous ne savez pas à quel point ça me manque. J'aurai dû revenir hier après-midi pour honorer notre tradition mais j'ai eu un petit empêchement alors me voilà aujourd'hui
-Eh bien laissez moi vous dire que vous tombez à pic, je viens juste de faire chauffer de l'eau je vais vous chercher une tasse ?
-Avec grand plaisir, je vais faire un petit tour dans la boutique en vous attendant.

Le temps que l'eau boue à nouveau Clémentine en profita pour vérifier sur son logiciel si les livres de Nicole qu'elle venait de visualiser mentalement étaient disponibles dans le magasin. Par chance deux des quatre ouvrages se trouvaient dans les rayons et elle se dépêcha d'aller les chercher pendant que le sachet de thé infusait. La jeune libraire revint donc dans le rayon des poches où se trouvaient les deux gros fauteuils où les deux femmes avaient l'habitude de s'asseoir pour discuter littérature et autres futilités en tout genre. Alors qu'elle déposait la seconde tasse à côté de la sienne, Nicole la rejoignit avec son éternel sourire malicieux peint sur le visage.
-Je pense que j'ai trouvé de quoi étancher votre soif de lecture
-Mais je ne vous ai encore rien dit sur ce que je cherchais !
-Disons que j'ai deviné ce qu'il vous fallait, répondit la jeune femme avec un sourire malicieux.
-Décidément vous trouverez toujours le moyen de me surprendre. Voyons voir ce que vous m'avez déniché dans ce cas.

Et tandis que Clémentine buvait son thé à la menthe, Nicole s'émerveillait devant les deux ouvrages que venait de lui soumettre sa nouvelle libraire préférée. La jeune femme savait évidemment qu'elle avait visé juste mais découvrir la réaction de ses clients lorsqu'ils découvraient les quatrième de couvertures était sans aucun doute l'un de ces moments favoris. Elles discutèrent ensuite des vacances de l'adorable grand-mère et de l'évolution remarquable de Clémentine qui s'était effectuée durant ces deux semaines d'absence.
-Mais je vous le dis mon petit, vous me semblez bien plus épanouie, et détendue aussi, que la dernière fois que je vous ai vu. Alors dites moi, à quoi devons nous ce superbe changement ? Y aurait-il un beau garçon derrière tout ça ?
-Oh non non du tout, répondit la jeune femme en rougissant, j'ai simplement compris que ... Eh bien que tout ne pouvait pas toujours être parfait et 'essayé de m'y faire, de réduire mon stress et de plus profiter de mes proches voilà tout.
-C'est déjà beaucoup croyez moi, je sais ce que c'est que d'être toujours en quête de la perfection et de se mettre la pression pour l'atteindre. Je suis très heureuse de voir que vous êtes en bon chemin pour changer tout cela. Je reviendrais donc tous les jeudis après-midi pour vous avoir à l'œil et m'assurer que vous restez sur la bonne voie.
-Vous êtes adorable Nicole, vraiment ça me fait chaud au coeur tout ce que vous me dites.

La petite femme, pour toute réponse, posa sa main sur celle de Clémentine et lui sourît chaleureusement. La libraire remarqua que ses yeux d'habitude si malicieux brillaient derrière ses lunettes et fut d'autant plus touchée par ce geste.
-C'est une très jolie bague que vous portez là, dit soudain Nicole en fixant le nouveau bijou de la jeune femme
-Oh merci ! On me l'a offert lors de la soirée que mes meilleures amies ont organisées pour fêter les un an d'ouverture de la librairie.
-Eh bien qui que soit celui ou celle qui vous l'a offert il ou elle a vraiment bon goût. Elle vous va à ravir.
Clémentine répondit à sa cliente par un petit sourire tout en caressant distraitement sa bague avec son pouce quand elle ressentit soudain comme une petite décharge électrique dans le bout de son doigt. Elle sursauta légèrement en comprenant ce qui venait de lui arriver tout en essayant de ne rien laisser paraître face à la petite grand-mère et se redressa sur son fauteuil. La jeune femme se sentait étrangement calme tout à coup, et pour cause les voix qu'elle entendait continuellement venaient de se taire. À côté d'elle Nicole sembla remarquer que quelque chose clochait puisqu'elle la regarda d'un air interrogateur.

-Excusez moi je viens de me souvenir d'un mail urgent à envoyer à une représentante, mais ce n'est rien je vais m'en occuper tout à l'heure.
-Je vais y aller de toute manière, j'ai rendez-vous avec mes petits enfants pour le déjeuner. Mais avant ça je vais j'en évidemment passer en caisse pour vous acheter ces deux merveilles que vous m'avez déniché.
-Et quand vous reviendrez jeudi prochain je vous en aurais déniché deux nouvelles !
-Décidément vous êtes magique ma petite Clémentine, totalement magique.
C'est en riant que les deux nouvelles amies se dirigèrent vers l'avant de la boutique pour effectuer la vente avant que Nicole ne quitte la boutique non sans avoir remercié et complimenté la petite libraire une dernière fois. À peine sa cliente eût elle passée le pas de la porte que Clem se dirigea vers le fond de la boutique, en s'assurant que personne d'autre ne se trouvait là, pour appeler Maxime. Elle glissa le téléphone entre son épaule et son oreille et caressa à nouveau le dessus de la pierre mais dans le sens inverse cette fois pour vérifier si son intuition était la bonne. À nouveau elle fut déstabilisée par la légère décharge électrique et les voix qui s'étaient tues quelques minutes plus tôt emplirent de nouveau son esprit. Alors qu'elle sautillait comme une enfant le matin de Noël Maxime décrocha, inquiet de savoir pourquoi elle l'appelait alors qu'elle était au travail. Totalement emballée par sa découverte Clémentine n'entendit pas le tintement de la porte lui signalant qu'un nouveau client entrait dans le magasin et elle continua donc de raconter ce qu'il venait de passer à son cousin. Comme elle tournait le dos à l'entrée la jeune femme ne vit donc pas Grégoire s'avancer vers elle silencieusement.

Ce dernier savait qu'il n'aurait pas du rester dans le magasin pour l'écouter parler à quiconque se trouvait à l'autre bout du fil, mais sa curiosité l'emporta sur sa raison et il s'approcha discrètement pour continuer d'écouter. Ce qu'il entendait l'intriguait énormément.
-Non mais Maxime tu te rends compte de ce que je te dis ou pas ? Cette bague me permets de mettre les voix en pause, si vraiment on peut dire ça comme ça, enfin bref on s'en fou de savoir si ça se dit ou non c'est génial putain ! Fini les migraines interminables qui m'obligent à passer mes dimanches allongée dans le noir, fini les pétages de câbles à cause de toutes ses voix qui me vrillent le crâne... Je vais enfin pouvoir contrôler mon don et me reposer une fois la journée à la boutique terminée.

Grégoire étouffa une exclamation de surprise et décida de reculer aussi silencieusement qu'il avait avancé. Il en avait assez entendu.