Chapitre II

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Quand elle se réveilla le lendemain matin la jeune femme se sentait vaseuse et n'avait aucun souvenir de la soirée de la veille après être sortie du bar. Elle n'avait pas bu tant que ça pourtant, mais impossible de savoir comment elle était arrivée dans sa chambre, de quelle manière elle s'était mise en pyjama ou même démaquillée... Le noir total. Clémentine roula sur le côté, sa tête semblait peser une tonne et elle n'avait plus aucune force pour permettre à son corps de bouger correctement, afin de voir si sa meilleure amie pouvait lui donner une explication à tout ça, mais Justine n'était plus là. L'angoisse vint se mêler à l'incompréhension, elle espérait que rien de mal ne se soit passé hier soir entre elles, non pas que les quatre jeunes femmes aient l'habitude de se disputer pour des broutilles, mais c'était tout de même étrange que son amie ne soit pas dans la chambre à tout juste neuf heures du matin. Mais le stress qui lui tiraillait le ventre ne suffit pas à la maintenir éveillée et elle finit par sombrer à nouveau dans un profond sommeil.

-Vous croyez qu'elle a été droguée hier soir ?

-Non ça me semble totalement improbable Emma, elle se serait sentie mal bien avant qu'on arrive à l'hôtel

-Comment tu expliques qu'elle se soit écroulée comme ça hier soir alors ? Elle n'a même pas bougé quand Justine l'a mise en pyjama puis démaquillée, on aurait dit une poupée de chiffon. C'était vraiment effrayant d'ailleurs, si je ne l'avais pas entendu respiré j'aurai pu croire qu'elle était morte.

-Arrête de dramatiser Clotilde ! Je pense qu'elle était juste super fatiguée, elle n'a pas pris de congés depuis l'ouverture de la librairie ça doit être épuisant comme train de vie.

Clémentine fut réveillée par les bribes de voix qui émanaient du petit salon séparé de la chambre par une fine porte coulissante. Elle se redressa difficilement dans le lit et fut prise d'une quinte de toux qui alerta ses amies. Les trois jeunes femmes entrèrent presque immédiatement dans la pièce où leur amie était encore secouée par sa toux. Clotilde vint aussitôt se poster près d'elle pour l'aider à se redresser sur ses oreillers tandis qu'Emma lui servait un verre d'eau. On aurait dit une petite vieille à l'article de la mort. C'est vrai qu'elle se sentait un peu faible depuis quelques temps, mais pas de quoi en faire un drame... Non décidément il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond.

-Ça va ? S'inquiéta Justine
-Je... J'en sais rien en fait. J'ai aucun souvenir, je ne sais pas comment je suis rentrée à l'hôtel, ce qu'il s'est passé entre notre sortie du bar et maintenant. Trou noir complet.
-Putain mais c'est vraiment pas normal ça. Il faut qu'on t'emmène faire des examens en rentrant.
-Mais non, je suis sûre que ce n'est que la fatigue associée à l'alcool que j'ai bu hier soir.
-Ça me semble un peu gros quand même, je vois bien que tu es fatiguée depuis des mois, tu ne t'arrêtes jamais. Il va falloir que tu songes à faire quelque chose par rapport à la librairie...

Ses amies continuèrent de lui parler mais Clémentine n'y prêtait pas attention, les yeux dans le vague elle tentait de se remémorer sa fin de soirée, en vain. Les voix de Clotilde, Emma et Justine lui parvenaient de manière étouffée, elle était comme déconnectée et semblait être à milles lieux de cette magnifique chambre d'hôtel où elle aurait du passer un merveilleux dimanche. À la place elle était comme entourée d'un épais brouillard et n'avait qu'une envie: rentrer chercher son chien et prendre un long bain chaud pour se décontracter et s'échapper de cette réalité à laquelle des souvenirs manquaient. Clémentine passa ses mains sur son visage comme pour se réveiller d'un mauvais rêve et bu une nouvelle gorgée d'eau pour l'aider à se réveiller.
-J'ai dormi combien de temps ?
-Eh bien on est rentrées vers minuit et demi, tu t'es écroulée directement, et là il est à peu près une heure quarante cinq donc euh un peu plus de treize heures je dirais.
-Oh la vache... Il va bientôt être l'heure de rentrée. Je suis désolée d'avoir gâchée notre dimanche les filles
-Ça n'est rien. On était surtout inquiètes pour toi mais on a réussi à déjeuner sur le balcon tout en te surveillant ahah tout n'est pas perdu !
-Et puis on peut encore aller déjeuner dans cette super crêperie qu'on a repéré hier soir. Enfin si tu te sens assez bien pour ça


La jeune libraire offrit son plus beau sourire à ses meilleures amies et opina, elle n'allait pas laisser un minuscule trou de mémoire gâcher la fin de leur week-end. Clémentine rassembla le peu de forces qu'elle avait ce jour-là et se leva aidée par Emma qui avait toujours assuré ses arrières, coûte que coûte. Elle se rendit dans la salle de bain afin de prendre une douche revigorante et s'habilla dans la foulé. Un peu de maquillage pour rehausser son teint encore un peu pâle et le tour était joué, elle avait déjà une bien meilleure mine. Elles sortirent toutes les quatre déjeuner en bord de mer avant de remonter chercher leurs affaires à l'hôtel. Les chambres devaient être rendues pour seize heures, de cette manière elles seraient de retour dans leur petite ville dans la soirée, après un passage chez les parents de Clémentine pour récupérer Jack. Clotilde décida de rester la seule pilote pour le trajet retour car elle savait très bien que son amie ne serait pas en mesure d'assurer la conduite exemplaire dont elles avaient l'habitude, et puis en dehors de sa moto Emma ne touchait pas aux véhicules motorisés, ça ne lui laissait donc pas d'autre choix. Alors qu'elle tripotait nerveusement son bracelet porte-bonheur, Clem remarqua une drôle de marque sur son poignet. Sa peau y était comme boursoufflée et formait un cercle entouré par deux croissants de lune. Elle n'était pas plus grosse qu'une pièce de deux euros et se cachait à l'intérieur de son poignet mais elle était bien là. Une impression de déjà vu s'empara de la jeune libraire qui n'arrivait pourtant pas à savoir d'où elle pouvait bien connaître cette fichue marque. Elle se demandait aussi comment elle avait bien pu arriver là... Elle ne pouvait pas être apparue comme par magie, et personne n'avait pu lui faire non plus puisqu'elle n'avait pas quitté ses amies de la soirée. Alors qu'elle passait distraitement le pouce sur cette étrange marque, elle fut tirée de ses pensées par son amie qui la regardait d'un air inquiet.
-Ça va Clem ? T'as pas l'air dans ton assiette
-Tout va bien, j'essayais de me souvenir de ce qu'il s'est passé durant le court laps de temps que j'ai effacé de ma mémoire.
-Si ça peut te rassurer tu n'as rien oublié de capital. On a été accostées par un groupe de mecs en sortant du bar, un peu relous mais pas méchants. En cherchant à éviter celui qui avait jeté son dévolu sur toi tu as manqué de te casser la figure et tu as été rattrapée de justesse par un gars absolument ca-non. Ensuite on est rentrées et tu t'es écroulée !
Emma ponctue la fin de son récit par un petit haussement d'épaules l'air de dire « tu vois, rien de dramatique quoi ».
Clémentine resta silencieuse face à cette explication et pour cause, un court flash lui rappela la manière dont ce jeune homme l'avait remisé brusquement sur pieds et la sensation de fatigue qui l'avait envahie après qu'ils soient entrés en contact. Elle savait très bien que cela n'avait rien à voir avec le contre coup de sa presque chute puisqu'elle passait son temps à trébucher et tomber pour un rien. Non, cela venait assurément du contact qu'elle avait eut avec ce garçon et Clémentine aurait même mis sa main à couper que la petite marque présente sur son poignet était apparue au même moment.

Évidemment dit comme ça, cette histoire n'avait aucun sens, pourquoi ce parfait inconnu aurait eut un effet pareil sur son corps mais surtout son esprit ? Sauf que depuis l'acquisition de son fameux sixième sens il arrivait que certaines choses plus ou moins inexplicables se produisent, habituant ainsi la jeune libraire à se méfier des moindres petites choses. En l'occurrence cette fois des signes ne trompaient pas et notamment cette marque et la sensation de brûlure qui l'avait accompagnée, elle s'en souvenait maintenant. Mais ce qui ne la trompait pas c'était surtout l'intense fatigue qui l'avait envahie et qui survenait généralement quand elle croisait quelqu'un avec un état d'esprit très prononcé, très fort. Néanmoins les effets étaient beaucoup moins forts et surtout, cela n'affectait pas sa capacité à percevoir l'état d'esprit des personnes qui l'entourait. Clémentine continua de réfléchir à tout cela jusqu'à ce qu'elles arrivent chez ses parents pour récupérer Jack. Retrouver son fidèle compagnon lui fit un bien fou et elle se sentie instantanément mieux si bien qu'elle ne pensa plus à toute cette histoire de don pendant le reste du trajet, riant même aux éclats avec ses amies qui étaient ravies de ce regain d'énergie.

Ce n'est qu'une fois rentrée chez elle, dans le calme de son appartement, qu'elle du faire face à la dure réalité de la situation: son don ne fonctionnait plus.

Sixième SensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant