Chapitre III (1/5)

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Clémentine s'écroula dans son fauteuil une fois le pas de la porte passée et fut rejointe par Jack tandis qu'elle laissait libre court à ses émotions et pleurait à chaudes larmes. Son fidèle ami vint poser son adorable tête sur ses genoux mais même cela ne parvenait pas à stopper les larmes qui roulaient toutes seules le long de ses joues. Depuis son réveil elle sentait bien que quelque chose n'allait pas, mais elle avait d'abord mis cela sur le compte de la fatigue et du trou de mémoire. Enfin ça c'était avant de se souvenir de ce qu'elle avait ressentie quand elle était entrée en contact avec cet inconnu, ce jeune homme qui avait, elle en était sûre, apposée cette marque sur son poignet et retiré son don par la même occasion. Où tout du moins il avait fait en sorte qu'elle n'en ressente plus les effets. Clémentine se sentait tellement vide, comme mise à nue sans lui. Le calme qui régnait à présent dans son esprit la rendait dingue, depuis plusieurs années maintenant elle était habituée à ce que ses journées et ses rencontres soient rythmées par ces voix. Elles lui permettaient de se protéger des personnes néfastes et, au contraire, de s'entourer des meilleures. Mais surtout c'était de cette manière qu'elle réussissait à faire tourner la librairie aussi bien depuis l'ouverture. Qu'allait-elle devenir sans son sixième sens ? Elle avait l'impression de ne plus savoir comment vivre, comment se comporter sans lui, un peu comme s'il lui manquait un membre. Cette idée l'angoissait comme jamais rien n'avait pu l'angoisser auparavant, pas même un oral ou un entretien d'embauche pour un job d'été et Dieu sait que ces choses faisaient monter en elle une angoisse monstre.

Ce soir-là la jeune femme ne mangea même pas et se contenta d'aller se coucher le cœur lourd en espérant que tout irait mieux le lendemain, sans grande conviction toutefois. Évidemment à son réveil son don n'était pas revenu comme par magie, bien qu'il se soit évaporé de cette manière, et la jeune libraire se leva la mort dans l'âme. Elle fit ses exercices de stretching matinaux sans grande conviction puis déjeuna devant un épisode de sa série favorite qui ne réussi pas à lui remonter un tant soit peu le moral. Elle savait qu'elle devait se ressaisir pour le bien de ses clients mais elle se sentait tellement vide, et seule. Terriblement seule. Après tout il lui manquait une partie d'elle-même ça n'avait rien d'étonnant qu'elle ai l'impression de n'être qu'un trou béant qui absorbait toute l'énergie positive autour d'elle. Clémentine prit ensuite une longue douche pour tenter de se remettre les idées en place et relativiser un tant soit peu sur la situation avant d'aller promener Jack. Comme elle avait cruellement besoin de soutiens et d'amour en ce premier jour de la semaine elle décida de garder son compagnon canin avec elle pour la journée. Connaissant Jack il s'affalerait dans un coin de la boutique pour la journée et n'embêterait personne, au contraire il pourrait même distraire les clients de sa petite personne triste et fatiguée.

A neuf heures et quart elle pénétrait ce qui habituellement son petit havre de paix et qui, depuis la veille, était l'objet de ses plus grosses angoisses. Elle se prépara un thé, lança son ordinateur et fit un petit tour d'horizon des commandes qu'elle avait en avance. Elle se calma un peu en remarquant qu'elle avait de quoi voir venir, mais elle ressentait malgré tout ce petit fourmillement dû au stress au creux de son ventre. A neuf heures trente elle inspira un grand coup et ouvrit le rideau pour laisser rentrer les premiers clients qui attendaient déjà sur le pas de la porte. Une dernière caresse à Jack, une grande gorgée de thé et elle était parée pour assurer cette première journée « normale » à la librairie. Elle réussit à s'en tirer sans trop de soucis grâce à l'avance qu'elle avait prit mais c'était tellement éprouvant de ne pas, ne plus, savoir ce qui passait par la tête de ses clients. Elle n'avait plus aucune indication pour les futures commandes qu'elle devrait passer c'était infernal.

Les deux semaines qui suivirent furent sûrement les pires de sa vie. Clémentine ne parvenait toujours pas ni à comprendre  ce qui lui était arrivée, ni à retrouver les facultés mentales qui venaient avec son don. Fort heureusement elle avait toujours plusieurs ouvrages d'avance pour chacun de ses clients, ou presque, mais au bout de deux semaines elle arrivait petit à petit à bout de son stock et cela l'angoissait au plus haut point. Au fil des mois elle avait acquit une réputation importante en ville et elle ne pouvait pas décevoir ses clients. Ce n'était même pas imaginable pour elle.

Clémentine imaginait déjà faire face aux critiques de ces clients, aux moqueries, à une baisse de fréquentation de la boutique... Cela faisait monter en elle une angoisse profonde qui la mettait dans des états pas possible si bien qu'elle finissait souvent ses journées totalement exténuée. Et pourtant elle devait continuer à faire bonne figure devant les clients, mais aussi devant ses amies qui étaient de plus en plus inquiètes à son sujet, ou encore devant ses parents qui étaient venus lui rendre visite le week-end dernier. En plus de ça le premier anniversaire de la ré-ouverture de la boutique arrivait à grand pas et pour l'occasion la jeune libraire souhaitait organiser un grand événement mais elle commençait sérieusement à se demander si elle en était capable. Peut-être qu'elle allait devoir chercher un ou une libraire avec qui partager les tâches pour se soulager un peu. Mais d'un autre côté elle ressentait se besoin de prouver à tout le monde qu'elle était capable de réussir seule. Depuis l'ouverture de la boutique elle avait tenue à tout faire seule, et ce même pendant les travaux comme pour prouver au monde entier qu'elle était une grande fille capable de s'en sortir sans l'aide d'un homme quelconque ou même de ses amies aussi merveilleuses soient elles.

Mais cette fois elle commençait à se sentir dépassée, étouffée par tout cela. Elle qui parvenait toujours à se sortir la tête de l'eau était plutôt en train de perdre pieds, sans aucune bouée à laquelle se raccrocher pour survivre. Il devenait nécessaire de songer à prendre quelques jours (semaines ?) de repos pour planifier son futur qui lui paraissait beaucoup plus incertain depuis qu'elle avait été dépouillée de son bien le plus précieux.

Sixième SensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant