Chapitre VIII (3/7)

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La jeune libraire n'eût toutefois pas beaucoup le temps de réfléchir à cette énigme dont elle venait de devenir l'actrice principale puisque le reste de sa journée fut rythmé par les clients qui affluaient de toutes parts et la formation de Grégoire. Le jeune homme se débrouillait vraiment bien avec les clients et Clémentine ne pouvait pas dire que cela l'étonnait. Quelque chose au fond d'elle savait qu'il était doué pour conseiller les clients, pour autant elle ne voulait pas le laisser se débrouiller seul tout de suite, il fallait qu'elle le garde à l'œil et surtout elle voulait garder un certain contrôle de la situation. La jeune femme allait donc concentrer sa formation sur la gestion de la caisse et le déballage des cartons qui impliquaient à la fois le réassort et l'office puisque son nouveau collègue savait déjà tout ce qu'il y avait à savoir sur les relations clients. La semaine s'annonçait particulièrement chargée d'autant plus qu'Halloween approchait à grands pas, mais la jeune femme, loin d'être stressée par tout ce changement, avait vraiment hâte de voir ce que les prochains jours lui réservaient.

Les deux nouveaux collègues se retrouvèrent seuls dans la boutique moins d'une heure avant la fermeture, l'occasion pour Clem de commencer à montrer à Grégoire comment fonctionnait le déballage des cartons pour le réassort sans oublier de lui montrer le rangement des commandes qui l'intriguaient tant. Ils évitèrent toutefois de discuter de leur morceau de passer commun que la jolie libraire semblait avoir oublié comme par magie. Cette dernière ne pouvait d'ailleurs pas s'empêcher de culpabiliser vis à vis du jeune homme qui était en réalité plus blessé par cela que ce qu'il voulait bien laisser paraître. Mais ça jamais il ne l'admettrait évidemment, ni à lui ni à elle. Quand vint l'heure de fermer le magasin Clémentine hésita quelques secondes avant de lancer la musique comme elle le faisait habituellement. Son collègue venait juste de sortir pour aller s'acheter une baguette au coin de la rue et elle ne savait pas du tout comment il allait réagir en la voyant gesticuler dans tous les sens quand il reviendrait pour l'aider à fermer. Comme elle avait prit un léger retard dans le lancement des commandes elle profita de l'absence du jeune homme pour s'en occuper tranquillement. Enfin tranquillement, tout est relatif. Elle était plutôt en train de se dandiner au rythme de la musique, n'hésitant pas à chanter le refrain en chœur avec le chanteur de son groupe favoris. De l'autre côté de la vitrine Grégoire observait sa patronne avec un sourire non dissimulé. Il attendit quelques minutes, le temps de la regarder sautiller dans tous les sens comme si elle était dans la fosse d'un concert de rock, avant de se décider à entrer pour l'aider à faire la fermeture.

-Eh ben, on s'amuse bien ici à ce que je vois.

Les mots du jeune homme eurent pour effet d'arrêter net la danse de Clémentine qui le regardait tandis que le rouge lui montait aux joues. Elle bafouilla quelques mots incompréhensibles et se dirigea vers le fond de la boutique pour arrêter la musique tandis que son collègue la regardait, totalement interdit.

-Mais non, n'arrête pas la musique j'adore ce morceau !

De loin il vit sa responsable relever la tête vers lui, sans toutefois couper totalement le soin elle le diminua assez pour qu'il ne soit plus qu'un léger bruit de fond.

-Ce n'est pas très professionnel de ma part, répondit simplement la libraire.

-Ne dit pas n'importe quoi. Premièrement la journée de travail est terminée, deuxièmement je ne veux pas que tu changes tes habitudes pour moi. Ce n'est pas parce que maintenant je vais faire la fermeture avec toi que tu dois t'abstenir de mettre la musique à fond et de danser. En plus de ce que j'ai pu entendre tu as de très bons goûts musicaux donc autant te dire que ça ne me dérange pas du tout de fermer la boutique en musique.

Comme pour prouver ses dires, Grégoire vint la rejoindre dans le fond du magasin et augmenta à nouveau le volume.

-Voilà comme ça c'est très bien. Au boulot maintenant, montre moi ce qu'il se passe une fois que le rideau est baissé.

Il lui lança un sourire qui fit battre le cœur de Clem bien plus vite qu'il n'aurait dû et retourna derrière la caisse avec l'air d'un enfant qui attend Noël. La jeune femme augmenta la musique d'un dernier cran – elle ne supportait pas que le chiffre soit affiché ne soit pas un nombre pair – et rejoignit son collègue pour lui montrer ce qu'elle faisait chaque soir. Elle était sincèrement ravie de voir à quel point le jeune homme était attentif à ce qu'elle lui montrait allant même jusqu'à prendre des notes quand il butait sur quelque chose. Même les quelques stagiaires qu'elle avait reçu pendant l'année qui venait de s'écouler n'étaient pas aussi à l'écoute. Bien-sûr les enjeux étaient différents cette fois, mais tout de même. La jeune femme sentait qu'elle pouvait lui transmettre l'amour du métier sans trop de difficultés. Le fait qu'il ai passé une bonne partie de son enfance ici, avec elle, allait sûrement aidé évidemment mais pour la jeune libraire il y avait autre chose, quelque chose qui dépassait tout ça...

Perdue dans ses pensées, la libraire n'écoutait même plus Grégoire qui lui posait de nouvelles questions sur le fonctionnement du logiciel.

-Tu es avec moi Clémentine ?

-Je. Pardon. Excuse moi non j'étais totalement ailleurs. Tu disais ?

-Rien d'important laisse, j'ai compris tout seul. Mais ça n'a pas l'air d'aller toi. Qu'est-ce qui se passe ?

-Tout va bien ne t'en fais pas, je repensais juste ce que tu m'as dit tout à l'heure. Je suis vraiment désolée de ne pas me souvenir de toi, en fait en y réfléchissant un peu plus je me rends compte que j'ai très peu de souvenirs de mon enfance, comme si j'avais subitement tout oublié.

-Eh. Ce n'est rien vraiment ne t'en fais pas pour ça. Il paraît que ça arrive parfois quand la période est associée à un souvenir douloureux le cerveau réagit en l'occultant totalement se ta mémoire et ça peut aussi concerner les souvenirs positifs, heureux. Peut-être que ça finira par te revenir, et si ce n'est pas le cas je me ferais un plaisir de te raconter un tas d'anecdotes.

Il lui fit à nouveau un de ces sourires qui lui réchauffaient instantanément le cœur et alla même jusqu'à exercer une petite pression sur son bras comme pour la rassurer. Clémentine, toujours aussi troublée par ces contacts, lui rendit timidement son sourire et termina de lui montrer ce qu'il lui restait à faire avant qu'elle puisse rentrer chez elle. Une fois le dernier ordinateur éteint les deux jeunes gens se dirigèrent vers la réserve pour y récupérer leurs affaires avant de sortir par l'arrière du bâtiment. La libraire fût si surprise par le froid mordant qui les accueillit, contrastant avec la douce chaleur qui régnait à l'intérieur de la boutique, qu'elle ne pu réprimer un frisson. Elle allait devoir se faire une raison et ressortir son gros manteau d'Hiver et son écharpe en laine si elle ne voulait pas tomber malade.

-Tu veux que je te dépose ? Il ne fait vraiment pas chaud ce soir et je ne suis pas garé très loin

-C'est adorable de ta part de proposer mais je vais rentrer à pieds ne t'en fais pas je n'en ai pas pour très longtemps. Fait attention sur la route, on se voit demain.

-Bonne soirée, et merci pour cette super première demi-journée c'est vraiment agréable de travailler avec toi.

-On verra si tu dis toujours ça après les fêtes, répondit la jeune femme avec un petit sourire malicieux, bonne soirée à toi.

Clémentine osa se pencher vers le jeune homme pour lui faire la bise avant de rentrer chez elle à la hâte, le cœur battant à tout rompre.

Sixième SensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant