Chapitre 3

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Alors que Léna fermait la porte de la salle à manger, ses yeux croisèrent les deux hommes qui étaient arrivés la veille. Le quatre-centième binôme.

Un soupir forcé sortit de sa bouche et elle leva les yeux au ciel.

– Non mais c'est bon hein... Je vous vois ! Pas la peine de vous cacher, je n'ai plus l'âge de jouer à cache-cache je pense.

Sans rien ajouter, la princesse tourna le dos à ses gardes du corps, qui commençaient peu à peu à la cerner derrière son visage souriant et angélique. Sans rien répondre, ils la suivirent de loin.

Elle se rendit tout droit à la salle de gymnastique qu'elle avait fait construire sept ans plus tôt, après maintes heures de négociations. Agacée par les réponses négatives de ses géniteurs, l'enfant de dix ans avait alors fini par promettre de bien se tenir aux bals et sorties en public des deux semaines qui suivraient la fin des travaux.

Les deux semaines les plus ennuyantes de sa vie.

En entrant, elle salua Jérôme, son moniteur, qui lui enseignait également la boxe. Une certaine complicité et amitié s'était installée entre l'enseignant et son élève, malgré les vingt-deux années qui les séparaient.

– Alors, tu veux faire quoi aujourd'hui ?

L'homme avait vu grandir la princesse, la connaissait et l'aimait presque autant que sa propre fille, Eloïse, qui au fur et à mesure du temps était devenue l'amie inséparable de Léna. Ainsi, il y avait maintenant quelques années, l'adolescente avait demandé, supplié, ordonné à Jérôme de la tutoyer.

– De la gym. Il faut absolument que je m'entraîne sur la poutre !

– Tu l'as déjà fait la dernière fois. Ne voudrais-tu pas t'entraîner sur les barres, pour une fois ? Surtout les asymétriques...

Mais il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'une voix féminine lui coupa la parole.

– Les trucs.

Ah oui... c'est vrai. Léna détestait par dessus tout le mot « asymétrique » tout simplement car petite, elle n'arrivait pas à le retenir. Depuis, elle avait décidé de les renommer « les barres trucs ».

– Mais je veuuuux faire la poutre ! S'iiiil te plaiiit !

Souriant, l'homme lui lâcha un petit « si tu veux » avant qu'elle ne sautille sur place, tout excitée.

Et sans rien ajouter de plus, la jeune fille commença à s'échauffer. Un quart d'heure plus tard, la princesse se dirigeait vers la poutre et commençait un exercice, complètement inconnu de l'homme.

– Tu me fais quoi là ?

– Une improvisation. Déclara-t-elle naturellement, tout en restant concentrée.

Sous les yeux de son moniteur, Léna finit par descendre de la poutre, prendre un bout et tirer dessus de toutes ses forces pour l'emmener près du mur, avant de recommencer son petit spectacle fort ridicule. L'homme laissa un léger rire sortir de sa gorge, avant de dire plus sérieusement :

– Pourquoi dois-tu toujours sortir du contexte, du programme, et même du sport ? Ce n'est plus de la gym que tu me fais là ! Et c'est moche en plus !

– Et c'est pour cela que tu es là ! Répondit-elle en souriant. Écoute, je voudrais faire une surprise à mes parents, avait-elle continué plus bas, un spectacle même.

Les yeux pétillants d'excitation, elle attendait les réponses de son professeur tout en pensant aux gardes qui étaient debout près de la porte, droit comme des piquets, surveillants la jeune fille et son moniteur, écoutant les moindres mots qu'ils prononçaient, analysant tout ce qu'elle faisait. Ses parents ne seront pas les seuls à avoir une surprise.

Jérôme, de son côté était à la fois inquiet et amusé. La dernière fois que son élève avait voulu faire une soi-disant surprise au roi et à la reine, c'était pour sauter plus facilement par la fenêtre de sa salle de bain, grâce à la rambarde de celle-ci et des étages inférieurs. La fois d'avant, c'était réellement un spectacle de gymnastique que la brunette avait préparé. Un spectacle qui avait fini par l'ultime figure, improvisé encore une fois, qui consistait à effectuer un salto arrière à partie de la barre la plus haute...

... pour terminer sur le mur d'enceinte qu'elle avait alors franchi sous les yeux de ses parents et gardes du corps, qui quittaient le château une heure plus tard.

Car oui, il faut savoir que le binôme est viré dès que leur protégée franchit les limites de la propriété sans permission.

– Bon, qu'est-ce que tu veux encore ?

– J'aimerais beaucoup apprendre une figure sur laquelle j'aurais besoin de la poutre et d'un support fixe, comme le mur de cette salle.

Il leva les yeux au ciel avant de répondre :

– Il faudrait déjà que cela existe.

– Eh bien, je fais une improvisation alors !

Hum. Léna... comment te dire que ce que tu faisais il y a quelques minutes ressemblaient à la chorégraphie d'une baleine échouée sur la plage ?

Princesse LénaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant