Chapitre 26

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Perchée dans son arbre, c'était trois jours après cet appel téléphonique que Léna avait décidé de tenter pour la dernière fois avant son anniversaire d'épuiser son garde du corps.

Il y a une heure, la jeune fille s'était allongée dans l'herbe fraîche tout juste tondue, au milieu des jardins royaux. Dylan, à quelques mètres d'elle, veillait. Alors, feignant l'envie de se désaltérer, l'adolescente avait échappé à la garde du garçon une demie seconde.

Une demie seconde qui lui permit de courir le plus loin possible et grimper en haut d'un arbre, pour s'y cacher tranquillement.

Et voilà, cela faisait une heure que la princesse était assise sur cette vieille branche, et elle commençait à comprendre ce que c'était avoir réellement ma aux fesses...

Mais comment j'ai fait pour avoir une idée aussi nulle que ça moi... Ouhou trouvez-moi je suis ici ! Bordel ! Raaa... ça y'est... je suis castrée. Je décède...

– Vous viendrez à mon enterrement hein, j'espère. Ronchonna-t-elle dans sa barbe.

– Sans soucis et j'apporterais même des roses, Majesté !

L'apparition soudaine de cette voix masculine fit sursauter la jeune fille, qui manqua au centimètre près de tomber par terre. Elle jeta un coup d'œil en bas de l'arbre, et vit son garde du corps qui la regardait en souriant insolemment. Toutes les injures du monde parvinrent en boucle dans sa tête, d'un seul coup. Mais en même temps, elle ne pouvait que remercier Dieu de mettre fin au calvaire qu'elle faisait faire à son corps, en restant ainsi assise sur une branche bien trop fine pour elle.

– Auriez vous la gentillesse de descendre, s'il-vous plait. L'adolescente croisa les bras sur sa poitrine, faisant mine de bouder.

– Non. Je ne suis pas gentille avec mes bourreaux.

Le garçon leva les yeux au ciel, commençant à s'impatienter et se demander s'il allait vraiment devoir aller la chercher là-haut. Il répliqua :

– C'est plutôt vous qui prenez la place du bourreau, à cet instant.

Et alors que la princesse se penchait sur le côté pour voir son interlocuteur et lui répondre d'une façon sanglante, disant que ce n'était pas lui mais bien elle qui subissait ses collègues depuis bientôt onze ans, son corps décida de ne pas se redresser et de continuer à tomber. En même temps, la branche céda et dans un craquement elle se cassa en deux. Les bras toujours croisés de Léna n'eurent pas le temps de se délier et s'agripper à quelque chose.

Elle tombait déjà, et avait l'impression de se prendre une par une, toutes les branches de cet arbre, qui lui, semblait rire de la situation et la gifler par ses feuilles vertes.

Le visage de Dylan avait subitement blêmi en voyant sa protéger commencer sa chute. Sans réfléchir et par pur reflexe vital, il se plaça en dessous des branches, bras légèrement dépliés, prêt à recevoir le corps. Le boix trop vieux et la poussière lui tombaient dessus, l'éraflant et le blessant légèrement au passage.

En une masse, Léna terminait sa course dans ses bras. L'impact fut si fort qu'ils faillirent tomber tout deux à terre. Une dernière branche lui tomba dessus. Puis le silence total. Léna ne bougeait pas.

– Princesse ? Mademoiselle ?

Le bodyguard gardait la jeune fille contre lui, de peur d'aggraver ses blessures et au pire ses fractures, si elle en avait. Il leva la tête. L'arbre semblait déchiqueté, et autour d'eux gisait un grand nombre de branches, tel un cimetière végétal. Il vit arriver aux loin deux gardes royaux, qui couraient en sa direction. Serrant le corps contre lui, il s'avança vers eux, continuant à parler à l'adolescente :

– Majestée ? Vous m'entendez ? Majestée ?!

Aucune réponse. Il continuait, mais sans succès.

– Princesse ?

Rien. Pris par l'impatience, le jeune homme s'emporta :

– Merde Léna vous m'entendez ?!

Alors, à l'entente de son prénom le cerveau de l'adolescente se réveilla doucement et elle ouvrit les yeux. La première chose qu'elle vit fut le cou de son garde de protection rapprochée, puis le son de sa voix qui l'appelait sans s'arrêter. Elle se souvint se sa chute et souffla d'exaspération. Elle avait mal partout.

– Mademoiselle ?

– Oui oui c'est bon je ne suis pas morte.

Dylan avait soupiré de soulagement, sans répondre. Il restait tout de même inquiet face à cette violente chute que sa protégée venait de faire. Elle restait là, de son plein gré, dans ses bras. Anormal. Les deux gardes arrivèrent à leur hauteur.

– Que se passe-t-il monsieur Duciel ? Vous avez besoin d'aide ?

– Il me faut un médecin. Et vite.

Le plus jeune des deux allait partir, mais il se retourna au dernier moment :

– Monsieur Du Moulin, médecin de sa Majestée est partit chez sa famille et ne reviendra que d'ici quelques semaines.

– Eh bien faites-le appeler voyons ! S'énerva Dylan.

– Mais il habite en France.

Le garçon ouvrit la bouche pour parler, mais aucun son n'en sortait. Oui, bien évidemment, c'est toujours dans les moments les plus importants que ceux dont nous avons besoin ne sont pas là...

– Bien, ouvrez en vitesse toutes les portes qui mène à ses appartements, mais en passant par les miens. Il est inutile de passer par les couloirs principaux et croiser ainsi tout le palais. Et allez me chercher dans l'infirmerie du désinfectant et du froid.

Les soldats s'exécutèrent rapidement et sans rien demander. Le garde du corps gardait fermement contre lui la princesse et commença à marcher, vite, vers ses appartements. Toutes les portes étaient bien ouvertes et le garde eut même la gentillesse de les refermer derrière eux. Les escaliers étroits en colimaçon avaient été très périlleux à monter, car il était constamment déséquilibré par le poids de la jeune fille. Arrivée en haut, il traversa sa chambre et entra dans celle de la princesse, pour la poser délicatement sur son lit, où tous les produits médicaux qu'il avait demandés était proprement posés. Il renvoya le militaire :

– Merci beaucoup pour votre aide, vous pouvez partir maintenant.

– Avec plaisir.

La princesse l'observait, bien réveillée.

– Vous avez mal quelque part ?

– Je n'ai rien de cassé. Juste probablement un bleu au ventre causé par ces branches mais ce n'est pas bien grave. Elle rit légèrement. C'est toujours à moi que ça arrive ce genre de choses.

Il laissa un petit sourire s'afficher sur son visage, et elle fronça les sourcils.

– Vous souriez ?

– Je suis humain.

– Vous êtes intriguant, vous savez.

Il y eut alors un silence de quelques instants, qui fut brisé par le garde du corps :

– Pouvez-vous marcher ?

– Oui, quelle question ! J'ai mal, soit, mais je vous ai dit que je ne lui pas morte ! Dit-elle en se levant, le visage pétillant.

– Pourquoi m'avez-vous laissé vous porter alors ? Avait-il lancé en roulant des yeux.

Elle rit et se plaça face et lui :

– Pour voir comment vous alliez vous débrouiller dans l'escalier. C'était très drôle d'ailleurs.

Le jeune homme souffla.

– Vous me menez la vie dure.

D'un geste lent, elle s'accroupit pour être à sa hauteur, car il était resté assis sur le rebord de lit.

– Tu ne sais pas ce que je vis depuis plus de dix ans d'accord ? Et je peux t'assurer que non, tu n'as pas la vie dure. Dit-elle d'une voix douce. Et elle se redressa, laissant toute sa pétillance et cette sorte de joie intérieur, qu'elle donnait l'impression de cultiver, inonder son visage.

– Et, mon chéri, n'oublie pas : je ne suis pas ton amie.

Princesse LénaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant