💚 Chapitre 3 (Charlie)

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Ce samedi, comme à son habitude, Charlie Carston se leva à 9h00, pris une banane sur le plan de travail et descendit au premier étage de son immeuble. Le bâtiment était un vieux taudis en brique situé sur West Street, rue connue à Sunset Valley pour y refourguer tous les pauvres de la petite ville dans des appartements considérés comme « miteux et insalubres » (et cela d'après les riches d'East et West Hill, bien évidemment).

Charlie sonna au numéro 3 et attendit en tapant du pied. Dans l'instant qui suivit, une vieille dame lui ouvrit en souriant. Elle avait la peau sur les os et mouvait ses membres avec une lenteur déprimante.

"Ah ! C'est toi Lili. J'avais oublié que tu venais.

- Oui, vous semblez oublier un tas de choses Mme Figx. À commencer par mon prénom.

- Qu'as tu dis Lili ?

- Rien d'intéressant..."

Mme Figx ne pris pas la peine de l'inviter à rentrer, Charlie le fit naturellement. Au bout de 3 ans, elle avait fini par s'habituer à ce rituel du dimanche matin (même si, exceptionnellement, elle venait aussi le mercredi durant les vacances d'été, lui permettant d'empocher quatre ou cinq dollars de plus par semaine).

La vieille dame lui tandit une laisse au bout de laquelle se tenait un animal domestique de type canin - un caniche, à vrai dire.

"Jean-Philippe a envie d'aller dans la forêt aujourd'hui, je le sens !

- Oui oui Mme Figx..."

Et, tandis que la porte de l'appartement numéro 3 se refermait derrière elle, Charlie descendit le dernier étage à la suite du chien.

"Moi je sens plutôt ton odeur nauséabonde Jean-Philippe. Tu pourrais te laver, je sais pas si ça serait trop demander !

- Ouaf

- Oui oui, tu pues."

Charlie descendit sa rue qui grimpait les premiers pans de West Hill jusqu'au centre-ville. Elle passa devant la jolie mairie en brique rouge de Sunset Valley, traversa Main Street et marcha le long de River Street qui (comme l'indiquait son nom) longeait les courants de la Sunset River jusqu'au pont couvert en bois (dernier pont au Nord de la ville, officiellement appelé le St. Anthony Bridge) qui ouvrait sur Sunset Wood Road.

Là, elle prit les sentiers qui entraient et serpentaient dans la vaste forêt , le petit chien Jean-Philippe gambadant gaiment à ses côtés. Il faisait grand beau, le ciel n'avait jamais été aussi bleu pur, et les rayons ocres du soleil perçaient les feuillages et branches épineuses des hauts pins en un voile doré qui embrasait les champs de fleurs et de mousses le long du sentier en terre.

Charlie, elle, aimait cet endroit – non, elle l'adorait. Un endroit tranquille qui respirait le calme, la vie, la nature, la liberté. Elle aimait cet endroit car personne qu'elle puisse connaître dans cette ville n'y venait jamais, au risque de... L'emmerder. D'autant plus qu'elle n'avait jamais vraiment appréciée les gens de son âge. Elle les trouvait immatures, insolant, cupides et sans grandes convictions, toujours à chercher le grain de sable pour se moquer bêtement. Non, elle, ce qu'elle aimait c'était penser, réfléchir, lire sur la vie, parler philosophique, prendre en photo le monde, ce monde si beau, cette nature si belle qui l'entourait. Elle préférait amplement traîner le chien de la pauvre Mme Figx plutôt que de devoir parler à des abrutis de son âge. Avec eux, elle restait froide ; question de bien montrer qu'elle ne les aimait pas. Malheureusement, ce message était souvent mal interprété par les autres. En particulier par les garçons qui pensaient que son air austère n'était qu'un signe - et une ''chance'' pour eux - de tomber amoureux de la solitaire Charlie Carston. Ce genre de conneries finissaient souvent par de violentes gifles bien cherchées et bien méritées. Ça, elle le tenait de sa mère. Gabriel Carston était née ici-même, à Sunset Valley, et avait découvert la drogue à l'âge de ses neuf ans. Autrement dit, sa mère était une vieille toxico, salope à souhait, arrogante et explosée par la weed. Tout ce dont Charlie n'avait jamais voulue. Sa mère avait finit à la Prison Départementale Correctionnelle (située quelques kilomètres au Sud de Sunset Valley), section désintoxication et Charlie vivait depuis seule avec son père, un homme honnête et appauvrit par la vie. Jamais ils ne parlaient de sa mère, ou bien seulement comme courts passages d'une vie révolue. Et cela allait très bien à Charlie. Elle ne voulait pas entendre parler de cette femme qui l'avait mise au monde en jouant avec sa vie et celle de sa fille, à cette femme qui avait contrôlée durant des années son pauvre père et agit sur lui au point de l'étouffer.

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