💙Chapitre 24 (Thibault)

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"Non, attends ! c'est par-là, du-con !"

Maya tira le bras de Thibault et tout deux traversèrent Thomas Street et ses grandes villas pour rejoindre celle de Lucas Sheefle. Il faisait déjà presque totalement nuit, et dans le ciel mauve virant au bleu les premières étoiles apparaissaient. 

Si tout d'abord Thibault avait refusé de venir à cette soirée, il avait finalement accordé cette joie à son amie pour lui faire plaisir. Ses parents avaient bien sûr refusé (expliquant que c'était trop dangereux pour lui, qu'il n'avait pas sa place là-bas à cause du traitement qu'il prenait, et patati et patata...) et il avait été obligé de faire le mur pour rejoindre Maya au bas de leur rue. Mais là, tout de suite, sur l'instant, il commençait légèrement à regretter tout ce qu'il avait entrepris pour retrouver son amie et traverser la ville pour venir à cette fête.

Je suis fou, Se disait-il. Un fou n'a pas sa place dans une soirée lycéenne.

Les deux amis suivirent le son de la musique et trouvèrent enfin la villa à l'architecture américaine typique, dont chaque fenêtre luisait de couleurs pétantes. Sur le perron de la bâtisse se trouvait tout un groupe de fumeurs, alors que dans le rectangle d'herbe qui séparait la porte d'entrée du trottoir étaient déjà éparpillés gobelets rouges et banderoles en tout genre. Maya pressa Thibault, réticent, et entra dans la maison tout en lui serrant la main. A peine le pas de la porte fut-il passé que la musique emplit les oreilles des deux amis et résonna telle une gigantesque caisse entre les côtes. C'était New York City, de The Chainsmokers. 

"Allez, Thib, viens !"

Thibault suivit Maya à travers la foule, contemplant l'état des lieux avec un air mi-désespéré mi- effaré, enchanté. Les gens dansaient, buvaient, fêtaient, jeunes et cons qu'ils étaient et ça faisait... Un bien fou. Ca fusait de partout, la folie venait de l'alcool, de la musique, des luminaires éclatant, des guirlandes, des cris de joie, d'euphorie, des chants, des discutions, de cette odeur de cigarette mélangée au sucre et aux salés. 

La musique avait changée, et c'était désormais - encore - du Chainsmokers : Until You Were Gone. Thibault lâcha finalement la main de son amie pour prendre au passage un gobelet de ce qui semblait être du jus de fruit. Il but une gorgée et recracha alors lorsqu'il sentit que goût n'avait rien du jus de fruit, sous l'œil amusé de Maya.

"C'est du ponch ! S'exclama-t-elle. J'ai oubliée de te prévenir ! 

- Ah ouais, sérieuse ?"

Thibault s'élança sur Maya et fit mine de la frapper tout en riant aux éclats. Celle-ci s'écarta de lui et lui lança :

"Viens, on va danser !"

Elle l'entraina sur la piste de danse et se mit à virevolter, à mouvoir ses bras, ses jambes dans n'importe quel sens, hilare et souriante. Si Thibault resta coi un instant devant elle, effaré par tant de force, de joie, d'innocence et de beauté morale, il finit par, à son tour bouger. Tout d'abord lentement puis, au fur et à mesure que les musiques défilaient, avec plus de vigueur. 

"Allez, Thib ! Lui hurla Maya à travers la musique. Lâche-toi ! Donne tout ! "

Jamais il ne s'était sentit aussi libre qu'ici, avec Maya, dans cette foule d'affolés buvant, se bécotant et dansant à en vomir. Il oublia la psychologue, ses parents, sa peur, ses nombreuses vies passées, ses voyages de villes en villes, le souvenir de cet homme ensanglanté au milieu d'un parking d'Augusta et sa folie puis se laissa porter avec grande joie au rythme de la musique qui passait désormais (Giorgio By Moroder des Daft Punk), élancé comme un serpent hystérique au milieu d'un champs de tulipes... car, après tout, il savait mieux que quiconque que cette émotion là qui le prenait, que ce court soupir au coeur d'un océan compact ne durerait pas.

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