Franklin Smith avait la rage. Comme d'habitude, pourraient dire certains, sauf que là ce n'était pas comme d'habitude. Il avait la rage, la haine contre cette ville, contre les gens qui y vivaient. Il avait la haine contre quatre petits merdeux d'adolescents du nom de Maya, Léon, Charlie et Thibault. Il voulait les voir en prison. Parce qu'il savait qu'ils étaient fautifs dans la plupart des meurtres récents qui avaient bouleversés la région - voir fautifs dans tous ces meurtres. Mais si Franklin Smith avait la rage, c'était surtout parce que son fils unique de onze ans, Noam Smith, avait disparu depuis Halloween. Vingt-quatre jours que son fils n'avait pas reparu, que les rumeurs couraient en ville, qu'on le dévisageait avec pitié ou narquoiserie. Franklin Smith haïssait cette ville, mais il se haïssait plus encore de ne pas retrouver son fils, de ne pas pouvoir attraper l'homme (ou les adolescents...) qui lui avait volé son Noam et de ne pas pouvoir lui étriquer la gorge de ses propres mains.
Les gens autour de lui le voyaient comme quelqu'un d'insensible, de froid, hautain et violent dans ses gestes et ses mots. Certains pensaient qu'il battait son fils (et ce n'était pas totalement faux, même si pour lui rien ne valait mieux qu'une bonne gifle pour recadrer l'impertinence...) et que la disparition de celui-ci lui était ni chaude ni froide - ou pire, que c'était Smith lui-même qui avait tué son propre enfant. C'était en grande partie pourquoi Franklin Smith haïssait aussi le rumeurs. Car son fils était tout ce qu'il avait de plus cher, tout ce qu'il aimait le plus (si seulement il aimait d'autres choses hormis son petit Noam). Et depuis qu'il n'était pas reparu le soir d'Halloween, à vingt-et-une-heure (alors que Franklin lui avait pourtant bien fait comprendre qu'il devait être de retour à la maison pour vingt-et-une-heure) le shérif n'avait fait que de se mordre les doigts, de se ronger les ongles et de briser tout ce qui était brisable chez lui pour calmer ses nerfs et sa peur grandissante. Aujourd'hui, il n'avait plus peur. Il était enragé, nourri par une colère, une rancœur violente contre cette ville entière. Mais comme il était le shérif, il ne pouvait montrer ce qu'il ressentait - ou bien seulement sa colère. Le respect, l'autorité et la peur qu'il provoquait autour de lui était son unique force ; personne n'avait porté atteinte à sa personne car tout le monde le voyait comme inatteignable. Mais si par malheur quelqu'un découvrait que la disparition de son fils l'avait brisé, ou pire, que le grand, le fier, l'implacable Franklin Smith avait peur, cela signifierait sa chute à Sunset Valley et jamais il ne retrouverait l'espoir de sauver son fils et de tuer son kidnappeur. C'est ce pourquoi il se cachait derrière ce masque de pierre. Il se voulait plus fort que cette ville et il le serait.
Il était environ 16 heures de l'après-midi ce samedi vingt-trois novembre et Franklin Smith était enfermé dans son bureau privé du commissariat de Sunset Valley depuis trois heures désormais, à avancer ses recherches sur tous ces coupables - non sans garder près de lui les dossiers concernant ces quatre adolescents... - avec l'interdiction de ses collègues de venir le déranger (sous peine d'une bonne grosse engueulade publique). Bien sûr, la disparition de son fils avait troublée beaucoup de gens ici et, en plus de toutes les affaires criminelles ouvertes (au nombre de huit en tout, car les affaires d'Alice Deloire, Martin Mccoy et Wilfrid Oslow avaient été classées comme des accidents), de nombreuses recherches, rafles et battues avaient été organisées pour retrouvé le petit Noam Smith, en vain. Policiers et civils avaient toqués à toutes les portes, avaient raflés tout Sunset Wood jusqu'au Great Lake, avaient fouillés West Hill et East Hill, avaient même ratissés les champs agricoles au Sud de la ville en direction de la prison, en vain. Il n'y avait aucun trace de son fils, et Smith avait comme le pressentiment que sa femme et lui ne fêteraient pas Thanksgiving cette année.
Franklin était donc entrain de travailler ardemment (certainement pour oublier que sa femme, à la maison, restait allongées dans leur lit conjugale toute la journée à pleurer sur les vêtements de leur bébé chéri) quand son téléphone fixe, posé sur le meuble en bois massif, se mit à sonner. Si d'abord Smith grogna car il était dérangé dans sa concentration, il finit par répondre aux bouts de trois appels d'un même numéro dit "inconnu". Quand il décrocha ce fut avec un agacement tempétueux.
VOUS LISEZ
Nuits Pourpres
Mistero / ThrillerDans la petite ville de Sunset Valley, Maine, quatre adolescents qui n'ont apparemment rien en commun découvrent après de sombres incidents auxquels ils sont intimement liés qu'ils se transforment, une fois la nuit venue, en thérianthropes sauvages...