💙 Chapitre 32 (Thibault)

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Thibault ne cessait de penser à l'appel que Charlie lui avait fait, un jour auparavant, quand la police - son père avec - sonna chez lui, dans cette vieille bâtisse victorienne bleue. Il n'avait pas quitté le siège dans lequel il lisait la nouvelle le Coeur Révélateur d'Edgar Allan Poe (évitant soigneusement de penser au fameux livre du Purpura Noctis) et c'était sa mère qui était allée ouvrir, étonnée. Thibault, lui, n'avait pas broncher, ni haussé d'un sourcil ni même essuyé la larme de transpiration qui dévalait sur son front. Il s'y était attendu, avait répété dans sa tête mille et une fois ce qu'il devrait dire, ce qu'il aurait à dire pour faire taire les soupçons et prouver qu'il n'était qu'un pauvre petit adolescent ignorant (ce, qu'à vrai dire, il n'était pas totalement...). 

Les officiers étaient entrés dans le séjour, suivis de près par son père qui faisait tout pour garder  un œil sur lui, apparemment terrifié du déroulement de la confrontation. Plusieurs fois encore avant d'être embarqué il avait entendu son père demander à son supérieur :

"Voyons, ce n'est qu'un gamin ! Mon fils, je le connais, je le connais et je t'assure qu'il n'a rien à faire là-dedans... !"

Et toujours on lui répondait : ''c'est pas moi qui décide, c'est la loi'' ou encore ''s'il n'a rien a cacher alors tout ça ne devrait plus trop durer''. Toujours est-il que Thibault avait finit par être entraîné hors du séjour, jusque dans la grande bibliothèque qu'il n'avait même plus osé regardé depuis sa découverte d'un livre macabre sur les anciens propriétaires des lieux. On l'avait installé dans l'un de ces vieux fauteuil en cuir poussiéreux alors que son père s'exclamait à la vue de ses collègues prenant en photo les lieux :

"Eh mais vous faites quoi, là ?! Y a pas besoin de tout prendre en photo, je me trompe ?

- Nan, t'inquiète Carl c'est juste que c'te baraque est célèbre, on veut quelques souvenirs, tu vois ?"

Avec l'aide de son supérieur, Carl Gordon avait viré les autres policiers puis avait finit par sortir lui-même après que le Chef de la Police lui ait assuré que son fils ne risquait aucune menace, aucun danger tant qu'il se montrait coopératif. 

Une fois que la porte de la bibliothèque ait claquée dans son dos, le shérif se retourna vers Thibault. Il était grand, noir, légèrement barbu et les traits du visages tirés par les rides et le sérieux. Tousen ville l'appelaient shérif, bien que son vrai titre professionnelétait chef de la police municipale. Bien-sûr, ce surnom ne provenait pas de nul part et tous savaient dans cette petite bourgade que cet homme avait été élu voilà dix années en arrière comme shérif du comté d'Aroostook, et que depuis sa démission de ce poste pour devenir chef de la police de Sunset Valley, tout le monde continuait de l'appeler shérif. Comme quoi, on aimait bien garder les vieilles habitudes ici.

Le chef de la police municipale toisa un moment Thibault puis commença d'une voix impassible mais pourtant sous-entendu par la menace :

"Bon, Thibault, je vais être franc avec toi, je crois ton père mais c'est un pauvre idiot - pardonne-moi d'avance pour mes propos."

Thibault ne dit rien mais pensa très fort la même chose.

"Je suis Franklin Smith, et mieux vaut que tu retienne ce prénom parce qu'avec un peu de malchance tu en entendra parler souvent... Oui bon je sais c'est pas très original Smith comme nom mais c'est comme ça, faut bien des clichés pour alimenter les clichés."

L'officier tendit une large main.

"Mais tu peux aussi tout simplement m'appeler Franck."

D'une main moite, lente, presque tremblante, Thibault tendit sa main que le policier saisit avec poigne. Il le tira alors vers lui et lui souffla :

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