Chapitre Trente et un

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-"Becca, deux plats de spaghettis à la table dix neuf," me rappela Gerardo, le cuisinier.

-"Oui, Chef!" lui dis-je lassée en ce vendredi soir.

Prenant les assiettes puis forçant un sourire qui se voulait chaleureux, je les déposais à la table des deux tourtereaux. Pour la première fois de ma vie, je n'avais qu'une seule hâte; celle de me plonger sous ma couette et ne plus en sortir. Mon envie s'accrut chaque seconde passée dans ce restaurant où je travaillais depuis plus d'un ans.

-"Courage Becca," m'encourageais-je.

Mon service allait bientôt se terminer à mon plus grand soulagement car depuis que je voyais ses couples attablés, se parlant intimement au creux de leurs oreilles et par dessus tout amoureux, un pincement se fit ressentir au niveau de ma poitrine. Les larmes voulaient à nouveau gâcher mon maquillage pourtant je tenais bon et ne laissais point d'émotion, ou comme vous l'avez peut être remarqué, la tristesse m'assaillir.

-"Tiens bon, Becca. Encore vingt petites minutes," me répétais-je mentalement comme un mantra pour ne pas m'écrouler de pleurs à mon lieu de travail.

Lieu qui ne faisait que raviver cette plaie toujours ouverte. Le restaurant de Gerardo était certes peu connue et fréquenté que par ses habitués, néanmoins à l'entente que du nom 'restaurant', mon coeur ratait un battement. Que de bons souvenirs, m'étais-je promis de garder de Conrad.

Notre rencontre digne d'un roman à l'eau de rose, son visage taillée dans la serpe où une virilité sans nom y était marquée, sa bouche, prouesse de mon premier orgasme, ses aigues-marines captivants qui me mettaient le rouge aux joues, son parfum deenivrant et la cerise sur le gâteau, son timbre guttural et chaud. En d'autres mots, Conrad me manquait! Terriblement! Pas son physique, certes, je devais l'avouer, il était la réincarnation d'un dieu. Ce qui me manquait le plus fut sa présence et sa candeur qui créaient un trou énorme et qui ne pouvait malheureusement pas être comblé en moi.

Son sourire en coin ou des fois radieux qui me donnait des papillons au niveau de mon ventre ou bien même, ses caresses rassurantes et son regard protecteur. Tout me manquait. Chaque jour m'était devenue une lutte. Mais, je ne pouvais plus me raccrocher à cette stabilité précoce que m'offrait Conrad qui n'avait fait qu'accumuler mensonges après mensonges.

-"Becca?" m'appela Gerardo.

-"Tu disais?" lui demandais-je, les sourcils plissés, en me grattant l'arrière de mon crâne.

Mon patron me fixa en lâchant un soupir fatigué. Ma mine devrait être horrible s'il voulait impérativement me parler.

-"Va directement à ton appartement," m'ordonna-t-il d'un ton faussement bourru. -"Tu as l'air de zombie. Va te reposer, ma chérie. Nous aurons une discussion demain soir. Ne t'en fais pas."

-"Mais?"

Cependant, il leva son doigt en l'air, signe de le taire et ne plus le contredire.

-"Allez, file avant que je change d'avis," déclara Gerardo en me lançant en clin d'œil.

D'un léger signe de tête, je le remerciais même si j'aurais aimé lui sauter dans les bras et le remercier. Me dirigeant dans la petite salle commune où toutes les serveuses pouvaient se changer, je m'assis sur le banc, regardant mon casier pour finir par l'ouvrir. Ma bouche s'ouvrit en grand lorsque je la découvris dans mon casier.

Mais comment avait-elle pu atterrir ici? Personne ne connaissait mon code! L'orchidée blanche dont l'arôme parvint jusqu'à mon nez provoqua un millier de frissons qui parcoururent mon corps. Une décharge électrique traversa ma colonne vertébrale pour terminer sa course folle jusqu'à la chute de mes reins.

-"L'orchidée blanche signifie aimer avec ferveur," m'avait expliqué Aurora.

Tenant la fleur toujours dans ma main, j'humais son doux parfum, m'enivrant, m'obnubilant tout comme l'inconnu qui continuait à m'envoyer une orchidée de couleur variée chaque jour. Le plus choquant fut qu'aucune carte ne m'était plus adressée comme si ce dernier savait que j'avais rompu tout lien avec le dernier des frères Hades.

-"Qui es-tu?" me demandais-je sceptique tout en observant l'orchidée fraiche.

Aucune réponse ne me vint cependant. Conrad m'avait de nombreuses fois téléphoné et m'envoyer des roses dans l'objectif de se faire pardonner mais je ne lui avis jamais répondu. Trop blessée dans l'âme qu'il ait pu un jour me mettre au milieu du conflit entre lui et Connors.

L'ainé des frères Hades, contre toute attente, avait décroché la médaille du semeur de trouble. M'avouant délibérément ses sentiments devant son frère, m'embrassant avec fièvre et demandant mon pardon. Cet homme excellait dans l'art de la manipulation. Même moi, j'y avais vu que du feu; croyant en ses paroles sincères alors qu'il ne voulait que s'amuser.

Des larmes de rage revinrent surface en me remémorant de toute cette noirceur qui s'émanait de Connors malgré sa beauté flagrante. Toutefois, toutes roses ont des épines! Et celles de Connors étaient fatales. Qui s'approchait de lui risquait de tout perdre, y compris soi-même.

-"Tu n'es pas encore partie, Becca?" me questionna Alicia, une serveuse elle aussi, choquée en me voyant perturbée sur le banc.

-"Si, j'étais tout simplement ailleurs."

Avec le peu de force qui me restait après cette journée écrasante, je m'habillais, enfilant mon jean et mon pull blanc et mes baskets. Attachant mes cheveux en un chignon lâche, je sortais du restaurant après avoir remercié Gerardo une énième fois. Ignorant les incessantes sonneries de mon téléphone en apercevant le nom de Conrad sur l'écran, je l'éteignais et continuais à marcher sur le manteau blanc qui avait recouvert les rues de New York.

Une larme roula enfin de mon œil dès que je relevais la tête vers le ciel lorsqu'un flocon de neige s'écrasa sur mon visage. Mon souffle se bloqua dans ma poitrine. Ma vision devint flou pourtant je retenais du mieux que je pouvais mes larmes lorsque je sentis sa presence se tenant derrière moi.

-"Respire, ma Becca," me susurra cette voix familière.

Comme happée par cette intonation virile, je fis ce qu'il me dit, inspirant et expirant, respirant son parfum unique et interdite que je ne devrais pas humer. Paralysée, je restais dos à lui, incapable de prendre mes jambes à mon cou, réalisant qu'il n'avait pas pris compte de mes paroles à son bureau et que mes paroles n'eurent point l'effet escompté de l'éradiquer de ma vie.

-"Bonsoir, ma Becca," murmura-t-il chaudement au creux de mon oreille.

-"Bonsoir Connors."

Impardonnable! Tome Un (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant