Musique proposée : Simple Plan - Save You. (En média).
- Excuse-moi ?! Est-ce que c'est une blague ?! Dis-moi que c'est une blague, Wayne ! Non mais t'es devenu complètement dingue ou quoi ?!
Les Dr Martens de ma sœur martèlent mon pauvre parquet grincheux alors qu'elle déverse son inquiétude sur moi. Ça doit bien faire plus d'une demi-heure qu'elle fait les cent pas en hurlant et en agitant vivement ses bras dans tous les sens pour me faire comprendre à quel point ma décision lui fait peur. Elle avance dans ma direction, puis fait demi-tour et se dirige vers la cuisine, pour finalement revenir vers moi en soufflant bruyamment et en faisant virevolter ses cheveux noirs dans l'atmosphère pesante. J'aimerais la stopper dans sa course folle contre l'hystérie qui ne fait que l'embraser un peu plus chaque seconde, mais je sais que je ne peux rien faire. Je crois que la seule chose qui pourrait la calmer est la douceur du temps qui ne passe visiblement pas assez vite. Je m'approche lentement d'elle, mais elle a un mouvement de recul.
- Savannah... dis-je sur un ton d'excuse qu'elle ne relève pas.
Elle se contente simplement de lever une main fine vers le plafond pour m'ordonner de me taire, ce que je fais immédiatement. Elle a besoin de se mettre en colère pour réussir à laisser sa tristesse éclater et j'en suis conscient. Ses yeux noisette brillent d'une lueur que je ne connais que trop bien, tandis que ses globes oculaires rougis par l'émotion se dissimulent derrière ses paupières. Elle m'en veut et elle refuse de me décrire avec exactitude l'émotion qui explose dans sa poitrine présentement.
- Non. Tu as passé un marché avec lui. Tu te rends pas compte ! Tu as passé un marché avec Ian sans te préoccuper une seule seconde des conséquences ! Tu as fait ça pour... Tu as fait ça pour...
Sa rage l'étouffe et elle s'essouffle. Ses mots n'arrivent plus à franchir la barrière acérée de ses lèvres et sa voix se craquèle. Incapable d'affronter le déchirement qui sévit devant moi, je me place face à elle pour la réceptionner et l'attirer dans mes bras. Alors qu'elle se blottit contre mon torse, je sens son petit corps se faire secouer par de nombreux tremblements frénétiques. Je place une main dans ses cheveux raides et soyeux pendant que l'autre dessine de petits cercles dans son dos, par-dessus son blouson de cuir sombre.
- J'ai fait ça pour toi. Pour te sortir de cette situation infernale. Je veux que tu aies une chance d'avoir une autre vie, tu le mérites.
Sa tête se dépose délicatement sur mon thorax et elle lâche prise. La pression qu'elle retenait depuis trois jours l'a enfin terrassée pour l'obliger à laisser sa colère, sa tristesse et son inquiétude couler le long de ses joues. Elle s'effondre contre moi, comme si cette tornade de haine la libérait et qu'elle se donnait le droit de ressentir la peine qu'elle cachait au plus profond d'elle-même. Elle s'enfouit encore un peu plus dans l'ouverture protectrice de mes bras, comme pour me montrer sa reconnaissance par de simples gestes remplis d'un amour qu'elle n'a jamais pu camoufler.
- Ça va aller Sacha, tout va bien se passer, ne t'en fais pas, chuchoté-je doucement.
Mes mots décuplent ses sanglots et de violents spasmes secouent l'entièreté de son corps fatigué. A chaque tressaillement, je resserre un peu plus mon étreinte pour lui rappeler que je suis là, que je ne l'abandonne pas et qu'elle a parfois le droit de flancher parce que je ne la lâcherai pas.
Savannah déteste l'idée que quelqu'un la voie pleurer. Même si je n'ai jamais vraiment compris pourquoi elle a un jour assimilé les larmes à une faiblesse quelconque, je n'ai qu'à l'observer pour comprendre qu'elle est simplement angoissée. Elle a peur parce que si elle laisse le monde s'apercevoir qu'elle peut être vulnérable, alors celui-ci saura comment s'y prendre pour détruire le peu de joie qu'il lui reste.

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N'aie Pas Peur
ActionNelson Mandela a dit que le courage n'était pas dénué de peur, mais composé de notre aptitude à la surmonter. Je ne crois pas qu'il ait raison. Je n'ai pas vaincu ma peur, je ne suis pas passé au-dessus des tremblements qui ravageaient mon corps. J...