Chapitre 8 | 1

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Musique proposée : Watch Your Back - Sam Tinnesz. (En média).


Après avoir servi une boisson à West qui tente péniblement de trouver une position confortable dans mon canapé, je retourne derrière l'évier de ma cuisine pour me passer un peu d'eau fraîche sur la figure. J'ai l'impression que ça fait une éternité que Savannah est partie chercher ces maudits médicaments à la pharmacie et plus l'attente se fait longue, plus le stress monte. Pour être tout à fait honnête, je crois que les secondes ne s'écoulent plus de la même manière depuis qu'on a croisé Peter dans les rues de Harlem, depuis qu'il m'a entendu prononcer les mots décisifs qui vont sûrement nous coûter la vie à tous. Comme si les aiguilles du temps refusaient de tourner pour me donner une chance supplémentaire de trouver une brèche, une fissure temporelle dans laquelle je pourrais m'engouffrer pour échapper à la mort. Une angoisse infernale me taillade encore un peu plus les entrailles à mesure que les minutes passent et le liquide glacé qui ruisselle sur mon visage ne parvient pas à me soulager. Je suis incapable de me calmer.

Soudain, le téléphone de West se met à vibrer, suivi de près par le mien et je souffle bruyamment en secouant la tête de droite à gauche sans pouvoir me résoudre à y jeter un oeil. Je lève le nez vers mon coéquipier dont le regard dur est fixé sur l'écran lumineux qui se trouve devant lui. Un soupir lui échappe, piquant ma curiosité à vif et je tends une main tremblotante vers mon portable. Je me concentre un instant sur les quelques lettres qui s'allument devant moi sans vraiment en saisir le sens et manque de lâcher l'appareil lorsque je comprends qu'elles viennent de Ian. Mais comment a-t-il pu savoir comment me contacter ? J'inspire longuement en tentant de reprendre mes esprits, puis relis les menaces qui ne vont pas tarder à réduire mon existence à néant.


✉ Rendez-vous dans les bureaux d'Eleven Stars, demain, à 18h. Aucune absence ne sera tolérée.


― On va être obligés d'y aller, Wayne, affirme doucement la voix rocailleuse de West que je refuse d'écouter.

Les mots de mon acolyte ont beau résonner à l'intérieur de moi, je n'arrive pas à m'en imprégner. Je sais qu'il a raison, mais je ne veux pas l'admettre. Répondre présent à ce rendez-vous reviendrait à courir vers la mort et je ne suis pas sûr d'avoir assez de cran pour le faire. Je n'ai pas le courage ou la force de West, je n'arriverais pas à faire face à la souffrance si Peter avait la brillante idée de s'acharner sur moi comme il s'est acharné sur tous les autres. Rien que d'y penser, je sens un étau se resserrer autour de ma gorge et j'ai l'impression d'étouffer une énième fois.

J'aimerais savoir comment contrôler ça, comment faire fuir la peur, comment passer au-dessus de cette angoisse qui me ronge de l'intérieur pour pouvoir la faire disparaître. Je voudrais tant que cette sensation d'oppression ne soit pas devenue une douloureuse constante dans ma nouvelle vie, parce que si on dit de la douleur qu'elle s'atténue avec le temps, ce n'est pas le cas de l'anxiété, ni de l'inquiétude. Cette terreur, qui s'insinue en moi, se nourrit de toute l'énergie qu'il me reste, elle détruit les derniers piliers qui me maintiennent debout et elle grandit de jour en jour comme une espèce de fléau inéluctable. Pourtant, je me souviens d'un jour, d'une nuit, où j'ai pu y échapper. Où j'ai pu m'endormir en ayant une illusion incroyable de sécurité dans les bras de quelqu'un d'autre. Dans ses bras à lui. Alors je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'en courant assez vite ou qu'en attrapant la bonne main, les tremblements de mon âme pourraient peut-être finir par s'adoucir et s'évaporer.

Un claquement de porte me fait sursauter et je me retourne vivement vers l'entrée de l'appartement en dévisageant Savannah qui vient de m'arracher à la seule image apaisante que je possédais. Je cligne des paupières plusieurs fois pour me ressaisir et oublier la sensation des caresses de West sur ma peau, puis j'attrape le sac en plastique que ma sœur me tend. Je me dirige vers mon acolyte, qui se tord toujours de douleur sur le sofa, et m'assois doucement à ses côtés. Sans que je n'aie besoin d'ouvrir la bouche, il se redresse difficilement et se place en face de moi, en tailleur. Je sors tout ce qui se trouve dans le sachet blanc sans lancer un seul coup d'œil à mon patient, mais finis par me reconcentrer sur lui quand je ne trouve plus de prétexte pour lui tourner le dos.

N'aie Pas PeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant