Chapitre 5 | 2

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Musique proposée : Soldier - Fleurie. (En média).


Ma gorge devient sèche et ma cage-thoracique s'enflamme de stress, tant et si bien que je me mets à supplier mes genoux de ne pas céder. Il fouille calmement dans un placard en fer gris foncé pour en sortir une bouteille de Blanton's, ce bourbon que ma mère a toujours refusé d'offrir à mon père à cause de son prix exorbitant. Il s'en sert un verre généreux et y place quelques glaçons, dans un silence étouffant. Il porte la liqueur à ses lèvres en se retournant finalement vers nous, inspire les vapeurs alcoolisées qui se dégagent du liquide marron, puis en avale une nouvelle gorgée, sans me quitter des yeux. Tétanisé, je ne peux m'empêcher de suivre les mouvements verticaux de sa pomme d'Adam meurtrie.

― Je voulais que tu vois ça pour que tu comprennes ce qui pourrait arriver à quelqu'un qui, je ne sais pas... penserait qu'il peut jouer au héros et me doubler, par exemple.

Son regard appelle le mien alors qu'il s'approche dangereusement de mon espace vital. Chacun de ses mots retentit en moi comme un avertissement et je suis obligé de me retenir pour ne pas reculer à mesure qu'il avance dans ma direction.

― J'accepte beaucoup de choses, tu sais, renchérit-il, arrivé à quelques centimètres de moi. Je pardonne les erreurs, après tout, on en fait tous... Mais ce que je ne supporte pas, c'est la trahison. Le même sort attend tous les traîtres et je tiens à ce que tu t'en rappelles.

Désormais, seule la largeur de son verre nous sépare et je me sens soudain à l'étroit dans la pièce spacieuse. Son haleine, embrumée de Whisky, danse avec mon odorat et je me vois obligé de déglutir pour ne pas recracher mes tripes sur ses vêtements clairs.

― Donc si jamais tu t'avises d'abuser de ma confiance...

― Il ne le fera pas, le coupe West d'un ton sec.

Mon patron et moi nous tournons tous les deux vers lui, surpris de son intervention. West nous dévisage l'un après l'autre et je remarque ses poings se serrer lorsqu'il s'aperçoit que la peur me submerge totalement. Ian, lui, se contente de le fixer d'un air dédaigneux en s'éloignant de moi. Il contourne son fauteuil et je sursaute quand il empoigne mon coéquipier à la gorge pour le coller violemment contre le mur. Un bruit sourd arrive jusqu'à mes oreilles et j'ai l'impression de sentir mon cœur battre entre mes tempes tant la pression est palpable dans l'air.

― Je m'en porte garant, articule West alors que la poigne de Ian se desserre.

― Tu t'en portes garant ? répète-t-il en haussant un sourcil. Tu te portes garant de lui, de son travail et de ses faux-pas ? continue-t-il, un sourire abject vissé sur le visage.

Mon binôme hoche la tête et notre patron paraît agréablement surpris par la situation qui m'échappe. Un frisson me parcourt, il ne peut pas faire ça. Il n'a pas le droit d'endosser mes erreurs. Je refuse d'avoir sauvé la vie de ma sœur pour mettre la sienne en danger. Je refuse de porter une telle responsabilité une deuxième fois.

― Je me porte garant, affirme ce type que je connais à peine, plus sûr de lui que jamais.

Je devrais réagir, crier au scandale, laisser ma colère exploser, mais mon corps reste immobile. J'ai envie de le secouer, de lui hurler que je n'ai pas besoin de lui, qu'il n'a pas le droit de me prendre de court comme ça. Je suis même tenté de lui mettre mon poing dans la figure pour lui faire entendre raison, mais je n'en fais rien. La peur et le choc sont tels, que je me contente d'observer West, le souffle coupé et la bouche entrouverte. Je suis complètement tétanisé.

― Ne crois pas que ça change quoi que ce soit pour ta sœur, Gueule d'Ange. Si tu déroges aux règles de l'entreprise, elle dérouillera au moins autant que lui, si ce n'est pas plus, affirme Ian avant de tourner les talons et faire mine de s'en aller.

N'aie Pas PeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant