Chapitre 22 | 1

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Musique proposée : Warpath - Tim Halperin ft Hidden Citizen. (En média).


Qu'est-ce que ça veut dire ? De quelle maison s'agit-il ? Est-ce que c'est une sorte de message codé ? J'ai beau scruter Gale pendant ce qui me paraît être une éternité, son visage fermé ne laisse filer aucune information supplémentaire. Un peu perdu, je me tourne vers West en espérant trouver les réponses que je cherche dans son regard bleu, mais je n'y vois qu'un hochement de tête entendu en direction de son meilleur ami.

— Quel genre de problème ? s'impatiente Ian, n'appréciant pas beaucoup plus ce dérangement que Peter.

Son air obscur suinte de menaces sourdes qui me glacent le sang, toutefois ni West, ni Gale ne semblent s'en inquiéter.

— Les flics sont là.

La révélation du barman jette un froid tendu sur nos bourreaux, pourtant je ne peux pas empêcher une vague de soulagement de parcourir mon corps. L'enfer est bientôt terminé. Les yeux de Ian se vident de toute émotion, son arme quitte mon épaule et il dévisage son interlocuteur avec dédain pour l'inciter à lui en dire plus. Jaugeant les réactions de chacun, Gale hésite. Il sait qu'au moindre mot mal interprété, Ian peut décider de tous nous exécuter avant l'arrivée des agents dans les étages.

— Ils ont défoncé les portes de la réserve, reprend-il avec précaution. J'ai pas eu le temps de m'attarder sur eux, en bas c'est le chaos, mais on dirait bien qu'on a affaire à des fédéraux.

— Vous avez enclenché le code noir ? demande Ian d'une voix blanche.

— Ouais, on a bloqué l'ascenseur et les accès aux escaliers, tout est en place. Nos hommes tirent dans le tas pour les retarder, mais faut prévenir Gambino illico, c'est clair que ces enfoirés nous veulent vivants.

Visiblement dépassé par la situation qui s'envenime, notre patron ne réagit pas. Le regard errant dans le vide, je pourrais presque sentir le stress qui enfle dans sa poitrine à mesure que les secondes s'écoulent. Autour de nous, les molosses commencent à perdre leur sang-froid, tant et si bien que l'un d'entre eux ne prend même plus la peine de maintenir West.

— Ian, qu'est-ce qu'on fait d'eux ? demande Peter d'un ton calme.

Le temps s'arrête. Plus personne ne bouge, plus personne ne parle, tout le monde attend les ordres. Le silence qui règne en maître dans la pièce est si puissant que je crois presque entendre l'affolement général de la Réserve, cinq étages en dessous du notre. De peur de céder à l'angoisse et de la laisser me noyer, j'évite de me réfugier dans mes pensées ; je me contente d'observer l'arrêt sur image qui me fait face. Comme pour remplacer une réaction de Ian qui ne vient pas, un énorme bruit sourd retentit sous nos pieds et nous ramène tous à la réalité dans un sursaut commun. Ma respiration s'accélère d'un seul coup, mais je lutte pour rester concentré, pour ne pas suffoquer. Paniqué, je me raccroche à West par automatisme et, cette fois, il soutient mon regard. Même si aucun son ne sort de sa bouche, je peux entendre sa voix résonner dans ma tête quand il articule posément « n'aie pas peur ». Motivé par le calme qui émane de mes deux camarades, je prends une profonde inspiration pour suivre leur exemple, mais une deuxième explosion réduit mes efforts à néant.

— Ian, bordel ! Réagis ! s'énerve Peter en secouant l'épaule de son boss.

Le blond finit par sortir de son état de transe pour tous nous fixer un par un. Mais qu'est-ce qu'il fabrique ?

— Eh, moi je vais pas attendre que les keufs nous cueillent ! s'agace le grand baraqué qui se trouve toujours derrière West.

Malgré ses pas pressés, l'homme n'a pas le temps de passer la porte que Ian dégaine son arme, et tire. Le cœur au bord des lèvres, j'ai l'impression que la scène se déroule dans un ralenti épouvantable. Un coup de feu détone. Une balle embrase l'atmosphère en même temps qu'elle l'ébouillante, et le bout de métal brûlant frappe la tempe du trentenaire. Ses genoux lâchent. Il s'écroule de tout son long sur la moquette maintenant maculée de sang. Paralysé, je ne peux pas m'empêcher de suivre sa chute des yeux en me rappelant de celle de Nicholas, quelques mois plus tôt. Quand son corps reste enfin inerte, l'étau se resserre aussitôt autour de ma gorge et mon souffle devient sifflant. L'effroi habite tous les pores de ma peau. Est-ce que Ian nous réserve le même sort ? Mes membres se remettent à trembler, la pièce autour de moi à tournoyer. On va mourir, il va nous tuer.

N'aie Pas PeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant