Chapitre 14 | 3

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Musique proposée : Watching The Storm - U137. (En média).


D'après ce qu'elle et son père ont pu me dire, la balle n'a pas traversé mon torse, ils ont donc été obligés de la retirer avant de me recoudre comme une poupée de chiffon déchirée et je m'en veux. Je m'en veux de les avoir embarqués là-dedans et de leur avoir fait subir ça avec moi. Richard, habituellement si jovial, a perdu son immense sourire. Je ne l'avais jamais vu aussi triste et inquiet de toute ma vie. Il avait peur. Peur pour moi ? Peur qu'après ça, quelqu'un vienne s'en prendre à sa fille ou à lui ? Je ne sais pas, mais je ne pourrais jamais oublier cette frayeur destructrice qui ravageait son visage. Pourquoi Savannah leur a fait courir autant de risques ? Comment a-t-elle pu ne serait-ce qu'imaginer que ça pouvait être une bonne idée de les entraîner dans nos problèmes ?

― Pourquoi tu nous as emmenés là-bas ?

Mon intonation était tellement glaciale que j'ai probablement refroidi encore un peu plus l'ambiance qui était pourtant déjà loin d'être chaleureuse. Je fixe résolument mes doigts pour tenter de rester inatteignable, mais tout le monde a compris à qui je m'adressais. Je peux même ressentir la lâcheté émaner de chacun des pores de sa peau sans prendre la peine de relever la tête vers elle.

― A l'hôpital, ils auraient appelé les flics à la seconde où ils auraient compris que c'était une blessure par arme à feu, Gueule d'Ange, affirme Gale en volant au secours de sa belle.

Je serre les poings. Je sais qu'il a raison, mais la rancœur que j'ai contre Savannah ne fait qu'augmenter et mes capacités de réflexion se voient évincées par la colère qui gonfle dans ma poitrine. Une douce caresse se dépose sur mon bras valide et mes poings se desserrent immédiatement. J'étais tellement emporté par la haine bouillant à l'intérieur de moi que je n'avais pas remarqué que West était revenu. Je quitte mes doigts des yeux pour me concentrer sur le verre d'eau qu'il a posé sur la table, avant de finalement laisser une chance à son océan de m'apaiser comme il sait si bien le faire. Une sincérité impressionnante en découle, alors qu'il s'apprête à prendre la parole.

― On pouvait pas risquer d'avoir les flics au cul, Wayne... Tu le sais, en plus. Si elle nous avait pas conduits chez Ron... enfin, Richard...

Malgré une tentative de retenue un peu vaine, un sourire m'échappe devant l'hésitation de West et il y répond avec un petit air amusé qui me revigore comme un souffle d'air frais.

― Ce que je veux dire, c'est qu'on serait tous en taule, si elle l'avait pas fait. Ou pire, tu...

― Je serais mort, je sais, déclaré-je, sans qu'aucune émotion ne transparaisse dans ma voix.

West se raidit en me quittant brusquement des yeux, puis hoche simplement la tête. Je me rends compte que ma réaction lui fait l'effet d'un coup violent dans l'estomac et je la regrette aussitôt. Je colle doucement mon front contre le sien en plaçant ma main intacte sur sa joue, sans me soucier une seule seconde de la présence de nos deux tourtereaux.

― Mais je suis là, avec toi. Je suis bien vivant et je le resterai encore un moment. J'ai beaucoup trop de chose à vivre à tes côtés pour me laisser avoir aussi facilement, tu crois pas ? chuchoté-je pour inciter notre bulle à se former autour de nous et nous faire oublier le reste du monde.

J'aime tellement cette sensation. J'aime tellement lorsque j'ai l'impression que tout disparaît autour de nous et qu'il ne reste plus que les battements de nos cœurs se répondant les uns aux autres.

― Je ne veux pas te perdre, Wayne. De quelque manière que ce soit, murmure-t-il.

― N'aie pas peur, je suis là et je n'ai pas l'intention de te lâcher.

N'aie Pas PeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant