Musique proposée : The Village - Wrabel. (En média).
Après une heure de route à peine rythmée par mes faibles indications dans l'Impala de West, nous arrivons devant l'hôpital le plus réputé de New York. Les yeux rivés sur le sol brillant du bâtiment, je ne participe pas à la recherche d'Aneko, l'infirmière préférée de ma petite sœur. J'ai beau me concentrer sur les reflets lumineux et les ombres agitées qui dansent sur le linoleum bleu et blanc pour éviter que les souvenirs ne me sautent à la gorge, une demi-douzaine de flash m'assaille d'un seul coup.
Je revois encore Savannah, une semaine après l'accident, essayer de se déplacer seule dans ces couloirs qui ont à peine changé et Aneko accourir vers elle pour essayer de la convaincre de ne surtout pas bouger de son lit. Sacha a toujours détesté les hôpitaux, elle a toujours eu horreur de rester allongée sans rien faire et cette période-là a été d'autant plus difficile pour elle puisque nos parents refusaient de lui rendre visite. Heureusement, Aneko prenait bien soin d'elle et lui donnait toute la bienveillance que papa et maman n'avaient jamais exprimée. Je me souviendrais toute ma vie du jour où ma sœur m'a présenté son infirmière, l'excitation dans la voix et la joie plein les yeux. Cette jeune fille, qui venait à peine de sortir de l'école, était japonaise d'origine et en plus, elle adorait les mangas, elle avait donc tout pour plaire à notre petite malade caractérielle. Je les écoutais souvent parler du Japon ou des mangas qu'elles suivaient et, même si je ne comprenais pas toujours tout ce qu'elles se racontaient, j'adorais voir Savannah aussi heureuse et passionnée avec quelqu'un d'autre. C'était si rare de voir ses prunelles s'illuminer et un grand sourire enjoliver son visage...
Je n'ai pas prononcé un seul mot depuis que nous avons quitté le parking et j'ai à peine hoché la tête pour saluer la jolie brune qui a soigné West sans même essayer de comprendre ce qui a pu lui arriver. Elle a également jugé bon de ne pas mentionner la santé de Charlie et je la remercie du regard à chaque fois qu'elle jette un coup d'œil dans ma direction. En l'observant s'occuper de mon coéquipier, je me rends compte qu'elle n'a pas changé tant que ça. Elle est toujours aussi douce et gentille avec ses patients, toujours aussi souriante et avenante. Je suppose qu'elle est simplement plus sûre d'elle et de ses gestes, désormais.
En l'approchant d'un peu plus près, je réalise qu'elle a peut-être grandi, mais je ne sais pas si elle est réellement plus grande que lorsque je l'ai connue ou si c'est moi qui suis simplement plus impressionné. Je remarque également que les petites lunettes rectangulaires derrière lesquelles elle se cachait timidement ont disparu, mais que sa chevelure ébène est toujours aussi longue et lisse. Pour détendre l'atmosphère tendue qui règne dans la salle, elle nous raconte quelques anecdotes amusantes sur ses patients en faisant mine de ne pas percevoir nos airs angoissés. Elle a toujours eu un don pour apaiser les gens, pour les mettre à l'aise et les rassurer. Elle nous avait d'ailleurs confié, à Sacha et moi, que c'était pour cette raison qu'elle avait voulu travailler au contact des malades : elle voulait essayer de remettre un peu de rire dans un endroit où les pleurs résonnent souvent plus fort que tout le reste. Elle voulait apporter un peu de bonheur à ceux qui voient leur vie basculer vers la mort et, je crois qu'elle est vraiment douée.
― Voilà, si tu fais attention à tes points, tu pourras les faire enlever dans une bonne semaine, dit Aneko en s'adressant à West avant de se tourner vers nous tous. Vous pouvez rester ici pour la nuit si vous en avez besoin, mais ne vous faites pas remarquer. Cette chambre est en attente de quelques réparations, donc normalement, aucun patient ne sera installé ici avant quelques semaines.
― Merci beaucoup, Aneko. Tu nous sauves la vie, tu sais, articulé-je fébrilement alors qu'elle s'approche de moi en tendant le bras.
J'attrape la paume qu'elle me propose et la serre en espérant qu'elle comprendra toute la reconnaissance que je mets dans cette poignée de mains.
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N'aie Pas Peur
ActionNelson Mandela a dit que le courage n'était pas dénué de peur, mais composé de notre aptitude à la surmonter. Je ne crois pas qu'il ait raison. Je n'ai pas vaincu ma peur, je ne suis pas passé au-dessus des tremblements qui ravageaient mon corps. J...