Musique proposée : Brother - Kodaline. (En média).
— Mais c'est les fleurs de...
Toujours assis dans l'herbe, près du ruisseau, West et moi nous retournons d'un bloc alors que la voix de Gale s'éteint. Observant les cadavres de fleurs et les morceaux de terre cuite qui jonchent le jardin, le barman semble balancer entre choc et bouleversement. Conscient d'être la cause de ce triste champ de bataille, West soupire, puis se lève pour se planter aux côtés de son meilleur ami. Lorsque la chaleur de son corps vient à manquer au mien, je me redresse à contre-cœur et vais les rejoindre, la tête encore plongée dans le moment de sérénité qui a suivi la tempête. Après notre embrassade débordant d'émotions, mon équipier et moi avons eu besoin de prendre un temps pour nous remettre, pour nous retrouver... La tête vide et le cœur plein à craquer, nous nous sommes contentés de nous blottir l'un contre l'autre à écouter l'eau ruisseler devant nous. Un silence réparateur nous a alors enveloppé et nous nous sommes laissés bercer jusqu'à ce que Gale finisse par trouver le temps long.
Dans le calme le plus total, les deux frères s'accroupissent pour analyser les dégâts pendant que je me perds au milieu du ciel bleu qui commence tout juste à scintiller d'étoiles. Peut-être que c'est comme ça que j'aurais pu déceler une partie de mes sentiments pour West : en me fiant au silence. Depuis que je le connais, sa présence seule m'a toujours suffi. Les mots n'ont jamais été nécessaires pour que je me sente bien, épaulé, en sécurité. C'était un bel indice, il aurait dû me mettre la puce à l'oreille... Après tout, si on est en mesure de se sentir apaisé, complet, vivant en compagnie de quelqu'un d'autre sans même articuler la moindre phrase, c'est probablement que deux âmes sont en train de se lier, que deux cœurs décident de battre au même rythme. Et c'est exactement ce qui nous est arrivé. Malgré le brouillard épais et terrifiant que la vie nous oblige à traverser, aucun de nous deux n'a abandonné, nos liens n'ont fait que se renforcer. L'amour nous a aidés à suivre la cadence.
— Bah merde...
Ramené de force à la réalité par le ton soufflé de Gale, je m'agenouille à mon tour sans pouvoir m'empêcher de scruter le massacre qui gît devant nous. Osant à peine effleurer les fleurs déchiquetées, le barman pâlit et lance un regard incertain à l'homme que j'aime, qui baisse les yeux. La détresse manifeste qui se lit sans difficulté sur les traits crispés de West me tord les boyaux, mais je parviens tout de même à m'en détacher pour me concentrer sur son meilleur ami qui tend la main. Ce dernier attrape deux pots ayant miraculeusement survécus à l'explosion de rage et les fixe tour à tour. L'air soudain nostalgique, il caresse le premier avec son pouce, puis le repose avec précaution comme si après tant de chocs, le récipient pouvait se briser au moindre de coup de vent. Il saisit ensuite le second qu'il avait déposé à ses genoux et un petit sourire illumine son visage, ainsi que celui de West.
— Tu l'as gardé, se contente-t-il d'affirmer, la figure lumineuse.
La fierté que je perçois dans la voix de Gale me fait tellement chaud au cœur, qu'elle pique ma curiosité à vif et m'oblige à me pencher dans le but d'améliorer mon angle de vue. À la seconde où mes prunelles se posent sur l'objet à l'origine de tant d'émotions, les coins de mes lèvres se relèvent. Deux mains d'enfants de couleur verte marquent la céramique foncée. Un G majuscule tracé avec maladresse est peint sous la plus grande, alors qu'une espèce de « m » à l'envers qui doit sans doute être un W est inscrite sous la seconde. Un peu trop ému pour ne pas paraître niais, je retiens un gémissement attendri sans quitter l'œuvre d'art des yeux. Quel âge pouvait bien avoir West ? Onze ans ? Douze, à la limite, à en juger par la taille du dessin...
— C'est l'un de mes plus beaux souvenirs, pourquoi je l'aurais foutu en l'air ? rétorque mon binôme, le vague à l'âme.
— Ce sont vos mains ? les interrogé-je bêtement.

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N'aie Pas Peur
ActionNelson Mandela a dit que le courage n'était pas dénué de peur, mais composé de notre aptitude à la surmonter. Je ne crois pas qu'il ait raison. Je n'ai pas vaincu ma peur, je ne suis pas passé au-dessus des tremblements qui ravageaient mon corps. J...