Chapitre 3 | 2

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Musique proposée :  A Man Or A Monster - Sam Tinnesz ft Zayde Wolf.  (En média).


― Alors, c'est quoi ton petit nom ? me demande-t-il d'une voix modulée.

Je me concentre de toutes mes forces sur le bijou en acier qui traverse son arcade pour tenter d'éviter la brillance de ses yeux clairs, alors qu'il passe sa main dans ses cheveux violet et bleu. Incapable de contrôler le chemin qu'entreprennent mes pupilles, je me surprends à observer les mouvements onduleux de sa musculature. Lorsque son biceps redescend rapidement pour se poser sur le bar, je continue ma contemplation en détaillant chacune des taches d'encre qui badigeonnent la quasi-totalité de sa peau blanche. De nombreuses œuvres d'art parfois colorées paradent du dos de ses mains jusqu'à ses épaules et j'aurais presque envie de passer des heures à analyser tous les éléments qui embellissent son épiderme. Il se penche soudain au-dessus du marbre gris pour attraper deux bouteilles de bière brune, m'offrant une vue imprenable sur son épine dorsale à peine recouverte par son débardeur noir bien trop grand.

― Je trouverais ça plutôt dommage de faire comme les autres abrutis et t'appeler Gueule d'Ange... ajoute-t-il lorsqu'il se retrouve confronté à mon mutisme.

Un sourire apparaît sur le coin de ses lèvres quand il se rend compte que je n'ai pas lâché ses tatouages des yeux depuis un bon paquet de minutes, mais il ne dit rien. Il dépose l'alcool juste devant moi, m'obligeant à sortir d'une transe incompréhensible. Je bats plusieurs fois des paupières pour tenter de me ressaisir, en vain. Je m'accroche alors au goulot de ma bouteille dans le but d'éviter le face-à-face, même si je sens le regard de West me brûler les joues.

― Je... Je m'appelle Wayne... Wayne Singer, je finis par balbutier sans tourner la tête vers lui une seule seconde.

Indifférent à l'embarras qui arpente chaque centimètre de mon esprit, il avale une gorgée de bière avant de déposer son coude tout près du mien. Absorbé par la chaleur étrange que me procure une telle proximité, je sursaute presque quand sa voix s'anime de nouveau.

― Et, par pur hasard, serait-il possible que tu apprécies mes tatouages, Wayne Singer ?

Sa réflexion me pousse inconsciemment à revisiter le chemin artistique qui jonche sa chair et ses lèvres se relèvent franchement. Mes prunelles se baladent lentement sur ses avants-bras, quand elles se cognent à quelques mots joliment calligraphiés. Quelques suites de lettres qui attirent mon attention au milieu d'un amas de cordes relié à une ancre de bateau : « To the stars and back to life... ».

Je n'ai pas le temps de me demander ce que cette phrase peut bien vouloir dire, que le contact à la fois doux et frais de sa peau contre la mienne me force déjà à me ressaisir. Ses doigts poussent délicatement sur le bas de mon menton pour que je relève la tête vers lui et mes iris se retrouvent soudainement submergés par la couleur limpide des siens. Du bleu. Du bleu clair, brillant, profond, presque abyssale. Je m'y noie si vite que je lui laisse l'opportunité d'attraper mon âme pour lire en elle et l'emporter. Comme tout à l'heure, le hangar semble disparaître dans un écran de fumée pour ne laisser exister que lui et je me perds de nouveau.

― Arrête de me décrypter comme ça, tu vas finir par me mettre mal à l'aise, plaisante-t-il avant de lâcher mon visage.

Je me renfrogne devant son air amusé, honteux d'être incapable de le lâcher du regard. Le sous-sol refait surface, accompagné de tous les malfaiteurs qui évoluent de nouveau autour de moi et je serre les dents. J'attrape ma bière d'un geste pressé et en bois deux grandes gorgées en fixant le bar avec entêtement. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Pourquoi je n'ignore pas simplement ce type ? Pourquoi est-ce que je ne ressens pas le même dégoût envers lui qu'envers tous les autres ?

N'aie Pas PeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant