Musique proposée : Carol Of The Bells - Tommee Profitt. (En média).
Le grand baraqué, affalé dans l'un des fauteuils beiges, sirote un verre de Whiskey sec, sans dire un mot. Il ne quitte pas West des yeux et mon binôme répond à ce regard sombre avec un mépris à peine dissimulé. Jess paraît mal à l'aise, puisqu'après avoir réajusté sa coiffure au moins une dizaine de fois, elle a finalement préféré tripoter l'élastique noir qui marque son poignet d'une vague rouge. Un silence implacable pèse dans la pièce et, malgré les flammes orangées crépitant dans la belle cheminée, je sens l'atmosphère se refroidir un peu plus à chaque seconde qui ose encore s'écouler. Je dois certainement transpirer le stress, car West passe doucement sa main dans mon dos pour me rassurer, même si ses prunelles sont toujours plongées dans la noirceur de celles de l'agent du FBI.
Ce mutisme, à la fois terrifiant et lourd de sens, dure jusqu'à ce que la boule de muscle termine son verre et le dépose brusquement sur la table basse, me faisant sursauter. West a beau attraper mon épaule et me rappeler qu'il est à mes côtés, cette ambiance étouffante va bientôt avoir raison de moi si personne ne se décide à parler. J'entends mon cœur tambouriner dans ma cage-thoracique jusque dans mes tempes et j'ai peur qu'il ne finisse par exploser à force d'attendre quelque chose qui ne vient pas.
― Comment oses-tu remettre les pieds dans cette maison ? crache l'homme d'une voix menaçante.
Il n'a rien ajouté d'autre et il ne s'adressait pas à moi, mais j'ai quand même la sensation d'être maculé de toute cette haine qu'il vomit au visage de West. Celui-ci déglutit, mais ne laisse aucun son lui échapper. Il se contente de soupirer bruyamment, pour réussir à se contenir et je prie intérieurement pour qu'il y arrive. Je ne tiens pas à ce qu'il provoque un agent du FBI comme il a l'habitude de le faire avec Ian ou Peter. Entretenir la hargne de deux malfrats est une chose, mais avoir la police fédérale sur le dos en est une autre ; surtout quand l'agent en question est aussi bien charpenté et qu'il est prêt à nous sauter à la gorge au moindre faux-pas.
Visiblement emporté par l'impatience, le père de Jess se redresse d'un seul coup et j'ai un mouvement de recul qui m'oblige à me rapprocher encore un peu plus de mon coéquipier. Pas le moins du monde perturbé par la proximité de nos deux corps, West caresse mon dos avant de m'entourer un peu plus solidement de son bras, me certifiant silencieusement que je n'ai rien à craindre tant qu'il est avec moi. Je ferme les yeux le temps de m'imprégner de la chaleur bienveillante de ce contact et inspire discrètement en laissant le soulagement se propager dans mes veines. Je doute qu'il fasse le poids contre le molosse sur le point d'attaquer qui nous a pour cible, mais je me sens tout de même protégé, en sécurité. Comme si la bulle qu'il créait autour de nous avait le pouvoir de me préserver de tout, même de cette peur maladive qui m'empêche si souvent de respirer.
― Bon, assez joué, lâche le quarantenaire qui doit en avoir marre du manque de réaction de mon camarade.
La haine ne l'a pas quitté, mais ses traits changent. Il arbore désormais un air impassible, à la limite du cruel et tout mon corps se tend. Que va-t-il faire ?
― Spencer, mon chéri, dis au revoir. Il est tard.
Je dévisage le père de Jess en me mordant l'intérieur de la joue pour ne pas réagir. Il vient de briser le cœur de West et c'est exactement ce qu'il cherchait à faire. Une envie puissante de l'insulter, de m'insurger et de lui mettre mon poing dans la figure me prend aux tripes, mais je ne bouge pas. Je me contente d'avaler péniblement la boule de tension qui s'est formée dans ma trachée en risquant un coup d'œil vers le père du garçonnet. Un voile tombe sur les abysses océaniques que renferment ses prunelles et tout son visage se crispe. La tristesse émanant de lui me noue l'estomac et je sens chacun de mes muscles se contracter un par un sous l'électrochoc que me provoque le mélange d'empathie et de colère sévissant en moi.
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N'aie Pas Peur
ActionNelson Mandela a dit que le courage n'était pas dénué de peur, mais composé de notre aptitude à la surmonter. Je ne crois pas qu'il ait raison. Je n'ai pas vaincu ma peur, je ne suis pas passé au-dessus des tremblements qui ravageaient mon corps. J...