Chapitre 20 | 2

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Musique proposée : Song For The Broken - Take The Day. (En média).


Il est dix-huit heures quand je pousse la porte d'entrée de la maison des Hutchins. Exténué, je retire mon trench-coat d'un geste las, mais me stoppe instantanément lorsqu'un éclat de voix retentit.

— West, attends ! s'exclame Gale d'un ton rauque, alors que des bruits de pas lourds et rapides se rapprochent.

L'air furibond, West passe devant moi sans me voir, Gale sur ses talons. Impuissant face au désespoir qui dégouline du visage de l'homme que j'aime, je n'arrive à réagir que lorsque son meilleur ami croise ma route. Le retenant alors par le bras, je l'arrête dans sa course folle pour l'obliger à me rejoindre. L'inquiétude qui suinte du barman déteint violemment sur mon moral et une angoisse profonde s'infiltre dans mes veines fatiguées.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

La baie vitrée de la cuisine claque, nous faisant sursauter tous les deux et un silence s'installe entre nous. Gale paraît paralysé par mon interrogation, comme s'il réalisait tout juste ce qui était en train de se dérouler sous ses yeux. Un peu dans le vague, il me tend un morceau de papier chiffonné que je m'empresse d'analyser, mais à la seconde où mes prunelles se posent sur le cliché rectangulaire, tout mon corps se fige. Mon manteau s'écrase sur le sol en même temps que la feuille froissée et je me lance à la poursuite de mon binôme sans un regard de plus pour son meilleur ami. Cette horrible photo s'allume dans mon esprit à chaque fois que je cligne des yeux, forçant mes émotions à s'agiter dans ma cage-thoracique. Debout dans une salle obscure, les traits marqués par la peur et rougis par les larmes, Spencer tenait un journal daté d'aujourd'hui en suppliant l'objectif du regard. La gorge presque maintenue par une lame cruelle et aiguisée, le garçonnet effrayé m'a immédiatement rappelé le passé de West. L'enfant châtain a bien vite pris la place du petit blondinet et j'ai tout de suite su. J'ai compris pourquoi cette image a été le déclic qui a fait flancher West.

Focalisé sur la boule de détresse qui s'énerve devant moi, je ne prends conscience que j'ai atterri sur la terrasse que lorsque que la douce brise du soir défie mes boucles brunes. Devant le ruisseau, West s'acharne sur des pots de fleurs qui contenaient autrefois des magnolias avec une rage explosive. Me précipitant vers lui, je l'encercle de mes bras avec fermeté pour espérer sauver ces pauvres plantes de la déflagration vivante qui se déchaîne désormais contre moi. Le ton déchirant de sa voix, mêlé aux sanglots qui secoue son corps de spasmes m'arrache le cœur, mais je n'ai pas le temps d'essayer de reprendre contenance que mon coéquipier commence déjà à se débattre pour que je le libère.

— Lâche-moi ! Putain, mais lâche-moi, je te dis !

La rage et la supplication qui vibrent en lui décuplent sa force, mais je tiens bon. En dépit de la douleur croissante qui se diffuse de mes épaules à mes poignets, je n'abandonne pas. Il faut qu'il se calme.

— West... West, je t'en prie, calme-toi. Respire, tout va bien...

Aggravant sa colère, mes mots sont stoppés net par le coup de coude foudroyant qu'il m'envoie dans la mâchoire. Sonné, je m'écroule sur l'herbe tandis qu'il se dégage avec habilité de mon étreinte qui se voulait protectrice. Un instant silencieux, il me dévisage pendant que je me relève en massant ma joue brûlante.

— Non tout ne va pas bien ! Tu vois pas ce qui se passe ?! hurle mon partenaire.

West se focalise quelques secondes sur la morsure de son attaque qui doit faire rougir ma peau, et j'en profite pour tenter une approche en douceur. Un pas après l'autre, j'avance légèrement vers lui, mais il se ressaisit bien vite et se remet à crier.

N'aie Pas PeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant