N'aie Pas Peur

Chapitre 23 | 1

Musique proposée : Heart Of The Darkness – Sam Tinnesz ft Tommee Profitt. (En média). 

Les pas s'approchent et ma panique s'accentue peu à peu. Plus les secondes défilent, plus l'air me manque, et j'ai l'impression que la distance qui nous sépare de nos bourreaux est désormais mon unique source d'oxygène. Autour de moi, tout devient flou. Mes oreilles bourdonnent, la voix rassurante de West s'efface, et ses caresses chaudes s'évaporent devant la tempête qui ravage ma poitrine. Seuls les battements de mon cœur surpassent les crissements des graviers sur le sol. Comme si mon dernier espoir d'échapper à la mort était de sentir le sang pulser dans mes veines. Une nouvelle détonation résonne, me paralysant sur-le-champ. Ian et Peter seront là d'une minute l'autre, un bout de ferraille stoppera bientôt les palpitations que ma cage-thoracique peine à contenir, pourtant je suis incapable de réagir. Incapable de sortir de ma torpeur. Très égoïstement, je crois que je préférerais qu'ils me tuent le premier ; je ne supporterais pas de voir la vie de West s'éteindre dans ses yeux. Je ne suis même pas en mesure d'imaginer une chose pareille sans ressentir un pincement aigu à l'intérieur de mon estomac déjà noué. La douleur... Je ne veux pas que ce soit la dernière chose que je ressente avant de partir... À vrai dire, je ne m'étais jamais vraiment demandé quel sentiment serait le plus approprié durant mes dernières secondes sur terre. Peut-être que j'aurais dû y penser, que j'aurais dû m'y préparer. Ou peut-être qu'un gamin de vingt-trois ans ne devrait pas avoir à s'attarder sur ce genre de détails. Quoi qu'il en soit, si je dois mourir maintenant, alors je suis prêt. Les membres tendus à l'extrême, j'attends l'impact qui mènera à ma fin, mais rien ne vient.

— Wayne !

Le cri que mon partenaire n'a pas le temps de parvenir jusqu'à moi qu'un étau s'empare de ma gorge avec une force incroyable. Le souffle coupé, je porte mes mains à mon cou endolori, mais elles se heurtent à un muscle gonflé à bloc. Les sens en alerte et un canon sur la tempe, je prends alors conscience de ce qui se passe : le bras de Peter me coupe l'arrivée d'air, tandis que Ian menace mes acolytes de son arme chargée. Une rage explosive se lit sur les traits de West et je devine que si je n'étais pas à un geste de la mort, il n'hésiterait pas une seule seconde à se jeter sur nos assaillants. Les jointures de ses doigts sont blanches, ses poings tremblent et son océan d'habitude si limpide a laissé place à un orage violent. Gale, lui, semble bien plus calme. Il paraît analyser la situation avec méfiance, prêt à bondir sur quiconque toucherait à un seul cheveu de son petit frère. L'intensité de la haine qui se dégage de leurs deux corps en ébullition me glace le sang, pourtant Ian et Peter ne s'en préoccupent pas. Ça ne les impressionne pas le moins du monde. Impuissant, mon regard s'élève en direction du ciel pluvieux de New York et mes pensées s'y éparpillent. Pourquoi Ian ne met-il pas un terme à toute cette mascarade ?

— Si vous nous suivez sans faire d'histoires, Gueule d'Ange ne mourra pas, susurre ce dernier en dévisageant West qui baisse les yeux.

— Du moins pas tout de suite, ajoute Peter, un sourire dans la voix.

Mon partenaire relève vivement la tête d'un air mauvais, mais se contente de lever les mains en signe d'abdication. Comme si voir West admettre sa défaite était la chose la plus jouissive du monde, le visage répugnant de notre ennemi commun s'illumine de cruauté.

— On dirait qu'on se comprend, se délecte-t-il.

Misérable, je fixe le sol humide sous mes pieds. Ils savent aussi bien que moi que, tant que je serai en danger, mon binôme ne tentera rien, et j'ai honte d'être l'arme la plus efficace que ces ordures détiennent pour le faire flancher. Honte de ne pas être capable de me débattre, de rendre coup pour coup, de m'enfuir pour nous sortir de là. La peur me maintient sous contrôle, elle me rend docile. Je sais que le moindre petit mouvement de ma part pourrait coûter la vie à mes acolytes, et ça me paralyse.