N'aie Pas Peur

Chapitre 4 | 1

Musique proposée : You Mean Everything - Xcerts. (En média).

Un bruit métallique vient perturber mon sommeil de plomb et l'image d'une douille qui claque sur le sol s'allume dans mon esprit, m'obligeant à me redresser d'un bond. Aux aguets, je fixe chaque recoin de l'endroit où je me trouve en priant pour ne pas y trouver Ian, Peter, Gale ou West armé jusqu'aux dents.

― Je suis désolée, je ne voulais pas te réveiller... articule Savannah en se penchant pour attraper la fourchette qui a dû lui échapper des mains.

Je cligne plusieurs fois des paupières, sans identifier immédiatement l'environnement qui m'entoure. Après quelques secondes d'incompréhension, un petit rire nerveux s'échappe de ma gorge sèche. Chez moi, je suis chez moi. Je lance un coup d'œil à Sacha qui triture toujours le couvert qu'elle vient de ramasser et je sens tous mes muscles se détendre un par un quand je comprends que ma petite sœur est là, près de moi. Elle prépare simplement à manger sans pour autant devenir plus habile de ses mains et je crois que sa maladresse me fait du bien. Elle m'apaise parce que c'est l'une des seules constantes de ma vie qui n'a pas bougé.

Je me souviens encore des innombrables gaffes de Savannah, de toutes ces fois où j'ai cru que notre mère allait s'arracher les cheveux et où elle finissait par croiser le regard penaud de sa petite fille qui lui réchauffait le cœur à chaque fois. Sacha s'en est toujours sortie comme ça, grâce à son petit air coupable qui ferait fondre la plus glaciale des âmes de ce monde. Elle nous a tous attrapés de cette façon, je crois. Même papa. Elle cassait quelque chose, ses prunelles se mettaient à briller et l'univers tout entier craquait pour sa bouille angélique, alors on se mettait tous à rire et elle ne subissait jamais les conséquences de ses deux mains gauches.

Un sourire sincère se dessine sur le coin de mes lèvres, mais à l'instant où celles-ci s'entrouvrent pour partager un vieux souvenir rempli d'humour, le silence s'empare de mes cordes vocales pour les rompre totalement. Je suis incapable de parler, incapable de repenser au bonheur que j'ai un jour connu sans me rappeler à quel point il a été détruit.

Il a été massacré à coup de seringues et de contrats fallacieux. Il a été anéanti par un seul et même homme et je n'aurais jamais pensé qu'un jour, je deviendrais l'un de ses pions. Je n'avais même pas mesuré la puissance des cartes qu'il avait dans son jeu, alors comment aurais-je pu imaginer un seul instant qu'il pourrait m'atteindre d'une quelconque façon ?

J'aurais préféré ne jamais me rendre compte de l'influence de Ian, j'aurais préféré pouvoir lire les règles avant de condamner ma reine. Mais maintenant, je sais que la partie ne fait que commencer et que je n'ai aucune chance de gagner parce qu'il est impossible à arrêter, impossible à berner. Il possède tout le plateau et c'est lui qui fournit les dés, je suis totalement piégé. Emprisonné par la cage dans laquelle j'ai foncé la tête la première pour en sortir ma sœur et sans possibilité de libération conditionnelle.

― Wayne, réponds-moi, parle-moi. Qu'est-ce qu'ils t'ont fait faire ?

Il me faut plusieurs secondes avant de comprendre qu'une voix inquiète s'adresse à moi pour la troisième fois sans obtenir de réponse. Je secoue la tête pour tenter vainement de me ressaisir un peu et focalise mon attention sur le regard insistant de Sacha.

― Tu m'avais dit qu'il était dangereux, mais tu ne m'avais pas dit que c'était bien plus qu'un petit dealer de rue, lâché-je amèrement.

Elle baisse les yeux sans répliquer et je sais qu'il y a quelque chose qu'elle ne me dit pas.

― Comment t'as pu omettre de me dire qu'il possédait l'entreprise de crime organisé la plus puissante de tout Manhattan ?

― Il ne... Ce n'est pas vraiment...