Chapitre 16 | 3

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Musique proposée : Paranoia - Nathan Wagner. (En média).


Vingt-deux heures trois, mon cœur tambourine au creux de ma poitrine et mes jambes flageolent. Les chiffres des étages défilent devant mes yeux, mais je suis bien trop focalisé sur l'angoisse de recroiser Ian et le canon en ferraille de son arme chargée, pour réellement les voir. Nous ne sommes même pas encore arrivés au bon étage que je perds déjà pied et j'ai l'impression que West le sait. Il le sent. Sa main glisse doucement dans la mienne et nos doigts s'entrelacent dans une caresse légère, réconfortante, protectrice...

Douzième...

Treizième...

Quatorzième...

Quinzième étage.

Une sonnerie retentit, notre ascension se termine, la cabine s'arrête un peu trop brusquement à mon goût et ses portes s'ouvrent sur un long couloir baigné d'une vive lumière blanche artificielle. Mon rythme cardiaque marque une pause et je reste paralysé à la seconde où je fais un pas pour sortir de l'ascenseur. Mon binôme brise un instant notre lien pour pouvoir déposer ses paumes chaudes sur ma nuque tendue à l'extrême. L'immensité de l'océan se déverse alors dans mes prunelles émeraude et je me laisse totalement envoûter par les mouvements des flots sereins.

― Souviens toi, Wayne, chuchote mon coéquipier, je sais comment justifier notre absence et ton épaule. T'as qu'à me laisser parler et, tu verras, tout se passera très bien. Tant que je serai là, il ne t'arrivera rien et crois-moi, je te quitte pas une seule seconde. Alors t'as rien à craindre. Respire un grand coup et rappelle-toi qu'ils ont rien contre nous.

Sa voix est calme, posée, rassurante. Son pouce effleure ma joue, tandis qu'il inspire et expire bruyamment pour m'inciter à faire de même. Je l'imite quelques instants, avant de hocher la tête et de le suivre à travers le bâtiment. Avec la crise incontrôlable de Savannah et les prises de conscience qui ont suivies, notre rendez-vous avec Ian m'était complètement sorti de la tête, alors quand West m'en a parlé, j'ai paniqué. J'aurais dû me concentrer sur le positif, voir que ma sœur a finalement accepté de rester chez West sans bouger ou que Gale a pu reprendre sa place au bar sans éveiller aucun soupçon et comme si de rien était, mais ça ne m'a pas suffit. Je n'ai pas été en mesure de prendre assez de temps pour me préparer psychologiquement à cette nouvelle entrevue avec l'homme qui peuple la plupart de mes derniers cauchemars. J'ai peur. Je suis terrorisé. J'ai peur qu'il s'en prenne à nous en nous accusant d'être responsable de l'appel anonyme à la police de l'autre soir. Je suis terrorisé à l'idée qu'il ait découvert quoi que ce soit à propos de notre collaboration avec le FBI et qu'il en ait parlé à ses supérieurs. Je tremble de tout mon long en pensant qu'il pourrait faire payer notre absence récente à nos familles si nos justifications ne lui plaisaient pas...

Perdu dans mes pensées, je remarque à peine que nous sommes déjà devant la salle cent-deux et sursaute presque lorsque la porte de celle-ci s'ouvre avant même que West n'ait le temps de toquer. Peter surgit de nulle part, attrape West par le col de son tee-shirt noir et agrippe mon bras, nous tirant durement tous les deux à l'intérieur, sans doute pour magnifier notre entrée. Je sonde la salle du regard et tombe nez à nez avec un bureau en acajou que je connais bien. Je fixe le meuble avec horreur en me rappelant de mon premier jour ici, des gants, de l'arme, du canon sur ma tempe, du cliquetis...

― J'espère que la salle te plaît, je l'ai choisie spécialement pour toi, Gueule d'Ange, ricane Ian.

Assis en train de siroter un verre de Whiskey hors de prix, il fait pivoter sa chaise pour nous faire face, tandis qu'un sourire sadique étire ses lèvres.

N'aie Pas PeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant